Jean Cau, croqueur de Mitterrand (entre autres) et analyste de la Présidence de la République…
J’ai, sur ma table de chevet, les « Croquis de mémoire » de Jean Cau (trouvé chez un bouquiniste, récemment : 1€ !) Une leçon de style que je prends le matin, au lever ( Non ! soyons précis : assis, bien calé sur mon oreiller, une tasse de café bien chaud à portée de main.) Trois, quatre – pas dix – pages et les fantômes de Mitterand, Pompidou, Genet, Lacan, Ava Garner, Dominguin, et bien d’autres ( Sartre, Mauriac…) surgissent en quelques brillantes notations sous sa plume. Un style ramassé, sec, brillant et une lucidité, une sincérité de ton qui font de Jean Cau un maître dans ce genre. Je ne me lasse pas, notamment, de revenir aux premiers lignes de cet ouvrage où il est question du jeune François Mitterrand, alors Garde des Sceaux, pour rebondir ensuite sur Dominguin ou Joë Bousquet :
« Un homme jeune, aux cheveux noirs solidement planté, au teint blanc, sur le trottoir, à Saint-Germain-des-Prés, et qui paraissait humer l’air chargé d’odeurs de femmes, doux pollens, de ce soir de printemps. Tiens, me dit-on c’est Mitterrand qui drague… On m’assura qu’il était un chaud lapin et avait, pour l’heure, les faveurs d’une danseuse célèbre. Comme j’admirais les danseuses en général et celle-là en particulier, mon regard, qui sans cela eût glissé sur une silhouette gardienne de sceaux – et donc sans intérêt – s’attarda sur l’homme au cheveux noirs et au teint blanc qui patrouillait, cambré devant le « Royal ». Et j’eus pour lui cette sorte de considération, mêlée d’un brin d’envie, que ma jeunesse accordait aux usagers de très belles personnes… »
À l’occasion, Jean Cau se révèle aussi fin analyste des institutions. Ainsi ce passage sur l’élection du président de la république ou suffrage universel :
« Reste que l’élection du président de la république ou suffrage universel fait de tous nos locataires de l’Élysée des personnages romanesques (je ne discute pas de la qualité du roman…) sur lesquels, dans tous les cénacles, salons, cafés et dîners, dans toutes les conversations, on ne cesse de s’interroger. Qui était De Gaulle, Pompidou, Giscard ? Qui est Mitterrand ? Devenue suprême, la fonction attire tous les regards. Subséquemment, comme disent paraît-il les gendarmes, elle provoque toutes les questions et emmêle toutes les réponses. Pourtant, du gigantesque alambic à distiller ne sort finalement qu’une goutte à laquelle un mystérieux « on « donne une couleur unique de simplicité. Alors De Gaulle est « grand homme », Pompidou « paysan », Giscard « très intelligent mais… » Et Mitterrand « habile politicien. » Dans la forêt des signes, « on » troque l’aiguille de la boussole que rien ne fera bouger et, derrière l’image simple, « on » marche. Ou « on » déserte. »
Allez vite chez votre libraire. Vous ne serez pas déçu… Bon dimanche !
Jean Cau : « Croquis de mémoire », Julliard (février 1985). Réédité à la Table Ronde (La Petite Vermillon – excellente collection !) en 2007…
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Jacques Molénat
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Et c’était un Audois, natif de Bram !
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Michel Santo
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Oui oui et qui passait beaucoup de son temps dans une ancienne bergerie achetée tout près de Narbonne, au dessus de l’étang du Doul (un superbe endroit, un magnifique paysage…)
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