L’oeuvre au noir: notes, suite et fin.
Cet après midi était bien noir. Ciel de Flandres et vent violent. Et fin de ma lecture de ce chef d’œuvre que je reprendrai sans doute aucun. En attendant, je continue le voyage avec « Les yeux ouverts », livre d’entretiens où Marguerite Yourcenar, par l’art du questionnement de Matthieu Galley, livre quelques clefs sur ses romans et récits…
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« Pour Zénon, le procès n’était plus guère que l’équivalent d’une de ces parties de cartes avec son gardien, que par distraction il perdait toujours. La vérité, si on l’eût dite, eût d’ailleurs dérangé tout le monde. Là où il disait vrai, ce vrai incluait du faux : il n’avait abjuré ni la religion chrétienne ni la foi catholique, mais il l’eût fait, s’il l’eût fallu, avec une tranquille bonne conscience, et fût peut-être devenu luthérien s’il était retourné, comme il l’avait espéré, en Allemagne. D’autre part, là où ses dénégations n’étaient littéralement qu’un mensonge, comme dans l’affaire des soins donnés à l’assassin de Vargas, la vérité pure eût non moins menti. Les services rendus aux rebelles ne prouvaient pas, comme le pensaient avec indignation le procureur, et avec admiration les patriotes, qu’il eût embrassé la cause de ces derniers : personne d’entre ces acharnés n’eût compris son froid dévouement de médecin… »
Et ces deux derniers paragraphes qui concluent le roman. Qui concluent ?
« Il respirait par grandes et bruyantes aspirations superficielles qui n’emplissaient plus sa poitrine, quelqu’un qui n’était plus tout à fait lui, mais semblait placé un peu en retrait sur sa gauche, considérait avec indifférence ces convulsions d’agonie. Ainsi respire un coureur épuisé qui atteint au but. La nuit était tombée, sans qu’il pût savoir si c’était en lui ou dans la chambre : tout était nuit. Un instant qui lui sembla éternel, un globe écarlate palpita en lui ou en dehors de lui, saigna sur la mer. Comme le soleil d’été dans les régions polaires, la sphère éclatante parut hésiter, prête à descendre d’un degré vers le nadir, puis, d’un sursaut imperceptible, remonta vers le zénith, se résorba enfin dans un jour aveuglant qui était en même temps la nuit.
Il ne voyait plus, mais les bruits extérieurs l’atteignaient encore. Des pas précipités résonnèrent le long du couloir : c’était le porte-clef qui venait de remarquer sur le sol une flaque noirâtre. Un moment plus tôt, une terreur eût saisi l’agonisant à l’idée d’être repris et forcé à vivre et à mourir quelques heures de plus. Mais toute angoisse avait cessé : il était libre; cet homme qui venait à lui ne pouvait être qu’un ami. Il fit ou crut faire un effort pour se lever, sans bien savoir s’il était secouru ou si au contraire il portait secours. Le grincement des clefs tournées et des verrous repoussés ne fut plus pour lui qu’un bruit suraigu de porte qui s’ouvre. Et c’est aussi loin qu’on peut aller dans la fin de Zénon. »
Rétrolien depuis votre site.
pequart
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merci de ce rappel qui va m’inciter à me replonger dans l’ oeuvre inépuisable de la dame de » petite plaisance »
outre la culture,la profondeur et la subtilité des méditations, le style est un enchantement
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Michel Santo
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Je poursuis avec » Les yeux ouverts « . Une suite d’entretiens avec M. Galley qui éclaire toute son oeuvre…Magnifique! Bonne lecture et merci de votre attention!
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