L’extension du domaine de la bêtise !


Dans « La bêtise s’améliore », sorti en 2007, Belinda Cannone fait dialoguer trois personnages autour de l’amour, la politique, l’économie, l’art, la morale, le désir, le bonheur… Trois personnages qui s’étonnent de ceux, nombreux, dont nous respectons l’intelligence et qui s’en servent bêtement. Comment comprendre en effet que des esprits sophistiqués, et en apparence libre, en viennent à patauger dans les idées toutes faites ? À cette question, l’un de nos protagonistes (page 128 et 129…) : Gulliver, apporte la réponse suivante : « …Tu te souviens que j’avais désigné le réflexe, la pensée-mode et la paresse comme trois sources de la bêtise intelligente. Il faut y inclure un quatrième mécanisme : le bon sentiment. Appelle-le compassion, empathie  ou révoltisme, selon les cas. » Autrement, et plus succinctement dit, le penser-court, les bons sentiments avant le raisonnement. Ou le militantisme compassionnel  nourri , comme le dit si bien Philippe Muray « par le cordon ombilical de la misère des autres, par ces souffrances collectives où elles abolissent du même coup leur individualité. » Un constat sociétal que partage, Lucien Jerphagnon dans un savoureux florilège des réflexions sur la sottise, de Lucrèce à Cioran, tout en essayant de définir ce qu’il appelle la «sottise atmosphérique» ; celle qui traîne dans l’air du temps et à laquelle on n’échappe guère. Par exemple, au XIXe siècle, l’excès de rationalisme qu’incarne un M. Homais, aujourd’hui l’excès de sentimentalisme qu’alimente avec avec solennité médias et « réseaux sociaux ». Tout récemment encore, Denis Grozdanovitch lui aussi  nous conduit dans ce pays très peuplé de la bêtise avec cette flânerie très savante et drolatique où il est question d’innocents de village, d’ânes, de Monsieur Teste, de fantômes et d’experts très savants. Distinguant la bêtise supérieure des intelligents, de la simplicité des  « simples » et des  bourdes de la raison raisonnante, on s’amuse beaucoup et y réfléchit tout autant… en souriant. On y trouve aussi des pépites comme ce texte de Bernanos, page 260-261, extrait de la « France contre les robots » (Robert Laffont 1947) : « Ceux qui m’ont déjà fait l’honneur de me lire savent que je n’ai pas l’habitude de désigner sous le nom d’mbéciles les ignorants ou les simples. bien au contraire. L’expérience m’a depuis longtemps démontré que l’imbécile n’est jamais simple, et très rarement ignorant. L’intellectuel devrait nous être par définition suspect ? Certainement. Je dis l’intellectuel, l’homme qui se donne lui même ce titre, en raison des connaissances et des diplômes qu’il possède. Je ne parle évidemment pas du savant, de l’artiste ou de l’écrivain dont la vocation est de créer – pour lesquels l’intelligence n’est pas une profession, mais une vocation. » Et encore ceci, de Van Boxsel, en exergue de cet indispensable ouvrage ; et en guise d’avertissement adressé à ses lecteurs, à nous tous : « Nul n’est suffisamment intelligent pour comprendre sa propre stupidité »…

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