Manuel Valls, n’enterrez pas la loi de 1905 – Valérie TORANIAN

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L’édito de Valérie Toranian du Lundi 16 Février dans la Revue des Deux Mondes:

Omar El-Hussein était un petit délinquant de 22 ans, il était né au Danemark et, sans doute inspiré par les attentats du 7 et du 9 janvier à Paris, il a donné la mort à deux reprises samedi 14 février à Copenhague.

Cible de sa première attaque, Lars Vilks, l’auteur de la caricature de Mahomet en 2007 : sa tête est mise à prix par les islamistes comme celle de Riss, le dessinateur de Charlie Hebdo qui a repris courageusement les rênes du magazine satirique. Cible de sa deuxième attaque, quelques heures plus tard, les Juifs : une fusillade contre une synagogue a fait un mort.

Agglutinés devant le direct des chaînes infos, nous assistons sidérés à la banalisation des attentats selon un même mode opératoire glaçant. Dans la ligne de mire : la liberté d’expression, les Juifs, la laïcité. L’objectif est clair : nous empêcher de parler, d’écrire, de dessiner, de respirer librement. Gagnés par la peur, nous voilà devant la tentation perverse de nous autocensurer, de mettre un mouchoir sur nos principes pour « calmer le jeu », ne pas jeter d’huile sur le feu, empêcher le cercle vicieux de la violence et se donner l’illusion de contrôler mieux la situation. Bref, si nous sommes victimes c’est bien que nous serions coupables de quelque chose et que nous n’aurions pas agi de manière responsable.

À peine les dessinateurs de Charlie exécutés, on accusait comiquement Michel Houellebecq de répandre le fantasme d’une France soumise à l’islam dans Soumission (1), son dernier roman. Tout juste s’il n’était pas responsable de l’ambiance délétère qui avait poussé certains au terrorisme.

À peine les victimes juives des attentats enterrées, on agitait le conflit israélo-palestinien pour expliquer l’exaspération des populations arabo-musulmanes dans les quartiers et leur antisémitisme.

À peine achevé le beau rassemblement du 11 janvier autour des valeurs qui nous rassemblent, on se dépêchait d’accuser la République d’avoir stigmatisé les populations des quartiers : leur « apartheid » social était la cause profonde qui avait poussé certains à tirer au fusil mitrailleur sur des Français en pleine rue.

À peine constatés les refus d’observer la minute de silence dans les classes des écoles et collèges, on brandissait la blessure coloniale toujours à vif chez les Français issus des anciennes colonies, une blessure qui les empêchait d’adhérer à nos valeurs.

Mais toutes ces pieuses réflexions ne mènent nulle part.

Mohammed Bouyeri qui avait assassiné le réalisateur Théo Van Gogh au Pays Bas en 2004 avait affirmé lors de son procès qu’il avait agi par conviction et qu’il recommencerait sans hésiter : son parcours était pourtant un bel exemple d’intégration, il avait décroché un diplôme de technicien supérieur après une bonne scolarité. Mais comme Coulibaly et les frères Kouachi, lui aussi a fait un séjour en prison et y a croisé des islamistes qui ont changé son destin.

Manuels Valls souhaite plancher sur les dérives de l’islam, notamment la question des financements et de la formation des imams. Certains souhaitent qu’elle soit assurée par l’État, ce qui constituerait une remise en question de la loi de 1905.

Va-t-on renoncer aussi à ce principe sacré de la République ?

Financer une religion par les impôts ? Financer des mosquées et former des imams dont les diplômes seront certifiés par l’État ? Comme si cette mesure avait une quelconque chance d’anéantir les pulsions terroristes. La principale source de recrutement islamiste hormis la prison est internet. Internet restera toujours aussi efficace, voire encore plus, dans sa propagande antirépublicaine face à des imams certifiés. Il suffira pour les idéologues du mouvement, qui sont avant tout des adversaires de la démocratie, en guerre contre nos principes, de désigner ces imams comme renégats et ennemis de l’islam.

Par ailleurs de quel droit d’ingérence religieuse l’État va-t-il se prévaloir pour déterminer la doctrine officielle ? La religion appartient à ceux qui prient. L’État doit simplement punir ceux qui prônent ouvertement l’exclusion et la haine. Ce n’est pas à la République de déterminer le cadre religieux. À moins de considérer que les musulmans soient immatures, incapables de comprendre ce cadre et qu’il faille les prendre par la main dans une attitude qui justement relèverait du néo-colonialisme. Ce relativisme culturel déconsidère les musulmans : il en fait des individus inaptes à dépasser la tragédie coloniale, inaptes à comprendre le sens de nos valeurs, incapables d’avoir la même ambition d’égalité et de liberté pour leurs enfants, victimes à tout jamais de leurs origines et réduits à leur classe sociale supposée. Ce n’est rien d’autre que du racisme déguisé.

À l’heure où l’on prône la lutte contre l’intolérance, les musulmans de France n’ont certainement pas besoin de notre mépris.

(1) Michel Houellebecq, Soumission, Grasset.

Via Manuel Valls, n’enterrez pas la loi de 1905 – Valérie TORANIAN.

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