Moments de vie : Les lundis matin sont tristes et paresseux.

     

Rue Droite @Mapio.net

     

Les lundis matin sont tristes et paresseux. Plus que les dimanches ! Du moins en apparence. On traverse des places vides, ou presque, et déambule dans des rues désertes. Parfois des groupes de personnes « âgées » – des touristes – les animent ; plus rarement de jeunes enfants – des scolaires – se tenant par la main. Curieusement, j’entends alors les mêmes rires, les mêmes éclats de voix. Facétieux et bruyants, tous semblent vivre sans craindre les jours suivants. Tout comme d’autres, dont je connais à présent les visages, toujours assis à la même place de la même terrasse, ou sur le même banc, sur les Barques ; que je salue d’un demi-sourire, de quelques mots… C’est tout et c’est beaucoup. En accrochant le détail d’une physionomie, j’image parfois des histoires. L’air vibre autour de nous de ces ondes invisibles. Mais l’on ne peut forcer le masque d’un visage. Ou l’opaque frontière des peaux. Chacun peuple ses journées de vies irréelles. Une élégante dame m’a adressé la parole dans la rue de l’Ancien Courrier. Elle m’a dit qu’elle aimait ce que j’écrivais. Ce serait mentir de dire que cela ne m’a pas ému. Plus tard dans l’après-midi, je jouais avec mon arrière-petit-fils sur la petite place au pied de mon immeuble. Deux ans déjà ! Sa tati Mila, 9 ans, nous a rejoints et nous avons passé un long moment ensemble, dans le salon, au « chaud » d’une douce et généreuse humanité. Depuis des mois, on l’aura compris, l’actualité m’est indifférente. Disons plutôt que je m’efforce de ne pas la subir. J’économise mots et sentiments : trop de fausses colères et de niaises bontés. C’est peut-être un défaut de perception, de sensibilité mais tout ce bruit sonne creux à mes oreilles. Au moment où j’écris ces lignes, le téléphone bourdonne sur mon bureau. Un numéro s’affiche sur le cadran. Il est 10h 30. L’appel vient de Suisse. Nous l’attendions. Au bout du fil, le bruit de fond d’une voiture et des sanglots. Ceux de Christine, notre nièce. Jacques, son père, est mort. Demain matin nous prendrons la route pour Bienne. Elle sera longue et triste.

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