Contre-Regards

par Michel SANTO

Chronique de Narbonne: la maison de Jean Eustache…

 Maison de Jean Eustache/ Michel Santo


Maison de Jean Eustache/ Michel Santo

 

Découvrir Narbonne l’été, ce n’est pas seulement se remémorer Charles Trénet ou participer aux festivités organisées en son nom. D’autres artistes y vécurent aussi. Jean Eustache notamment, à qui je pensais en prenant  cette photo de l’entrée de sa maison de la Place des Quatre Fontaines. Étonnamment, deux jours plus tard décédait Bernadette Lafont, Marie dans son film « La maman et la putain ». Il est de troublantes coïncidences tout de même ! Les portes ouvrent sur d’infinis mystères…

Quelle laïcité défendre ?

P BRUCKNER & B LEMAIRE

Extrait d’un entretien Pascal Bruckner-Bruno Le Maire. Sans langue de bois, et roboratif!

Quoique l’on pense de ces deux personnalités, leur mode d’expression, qui ne lâche rien, sur le fond, des valeurs de la République, donne un sérieux coup de vieux politique et rhétorique à une grande partie de nos élites politiquestétanisés par le politiquement correct. Un indice supplémentaire de ce que je crois entrevoir d’une libération de la parole politique.b

Chronique de Narbonne : un petit hommage à Vincent Hyspa |Contre-regard.com

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C’est l’ami Jacques qui m’en a donné l’idée. Il cultive le goût des facéties  d’un narbonnais  célèbre en son temps mais aujourd’hui, hélas! , bien oublié.

Notre cité l’honore pourtant d’une place située entre l’hôpital et l’école Montmorency dont tout le monde ignore superbement le nom. Il disait de lui : «Je suis né au pied d’une tour dans une ville latine, près de la mer. Après une ruine rapide due à de glorieuses inventions, telles que : le tabac sans fumée, l’éponge en porcelaine, le saucisson en poudre, le chapeau de paille humide (article d’été), je débutai, il y a environ dix ans au CHAT NOIR et me voilà maintenant à la Purée. – Que d’espace parcouru depuis dix ans par la navigation aérienne...» 

Vincent Ernest Hyspa , puisqu’il s’agit de lui,  a été acteur, auteur, compositeur, humoriste et chanteur. C’est à une des réunions de la goguette du Chat Noir — du nom du célèbre cabaret montmartrois — qu’il se révéla avec le Ver solitaire. Il y a incontestablement de l’Alphonse Allais dans notre narbonnais. J’en veux pour preuve une de ses : « Seize conférences fantaisistes » (1921) rassemblées dans « L’éponge en porcelaine », au titre évocateur d’une célèbre apostrophe présidentielle: Le Veau !

Le Veau : l’intégralité des conférences: ici

J’AI à vous parler aujourd’hui, messieurs, de la récente découverte d’un animal inconnu et ignoré jusqu’à ce jour, mais dont le nom est déjà dans toutes les bouches, j’ai nommé le Veau.

Nous inspirant de la Loi de la corrélation des formes de Cuvier, qui plus heureux que nous avait à sa disposition les fossiles, nous avons pu, néanmoins, à la suite de fouilles consciencieuses opérées dans les bas fonds de la charcuterie et de la boucherie, nous avons pu, dis-je, découvrir pour la gloire de la science, quelques vieux débris informes et mutilés – saucisses, godiveaux, fricandeaux, pieds de veaux ! – qui, tout en nous égarant parfois dans nos recherches au point de nous amener par le plus grand des hasards, je le reconnais, à la découverte du Cheval, de l’Ane et du Mulet, nous ont permis cependant de reconstituer le Veau tel qu’il est ; le Veau, messieurs, que naguère on ne connaissait que par ses côtes, comme le melon.

Eh bien, messieurs, malgré tous ces avantages physiques, auxquels il convient d’ajouter le charme pâle de son teint, le Veau n’est pas content de son sort.Grâces et Ris de Veau, vains mots !

Le Veau est triste, le Veau pleure.

Qui nous dira les sujets de sa mélancolie ? Ce n’est pas lui, messieurs.

Le veau est pourtant adoré chez beaucoup de peuples. Les Anglais, prétend-on, s’abordent avec cette formule rituelle : Comment allez vô ?

Sa mère, presque toujours d’origine espagnole, lui inculque un français si douteux qu’il n’est pas encore parvenu à se faire comprendre.

Le Veau, messieurs, est un incompris.

Il pleure.

Est-ce au souvenir de Marengo ? Redoute-t-il -le retour de l’Enfant prodigue ? Ou pense-t-il amèrement à sa peau de chagrin, orgueil des reliures futures ? Mystère.

Il pleure.

Pour le calmer on le bourre de fraises et de noix (attention intéressée, car tout cela se retrouve plus tard), on lui offre de la salade, des carottes, de l’oseille et des champignons.

Mais rien ne peut le consoler, et pour mieux pleurer il s’étale sur le gazon, s’affale, s’étire, et ses maîtres disent tristement : « Le cuir ne sera pas cher, cette année. »

Le Veau est donc inconsolable et, nous ne craignons pas de le dire, le Veau est une vallée de larmes, que seul le sommeil parvient à tarir.

Et à ce sujet, ai-je besoin d’affirmer, messieurs, que le Veau dort, et toujours debout ?

Il arrive parfois que le Veau devient dégoûtant à force d’être gras ; on profite de ce moment pour le tuer. On voit alors des gens (et ce n’est guère courageux), se payer sa tête – sa tête qui repose en la paix du cerfeuil, – d’autres s’arracher ses pieds, etc., etc. ; puis ce qui reste continue à se piquer pendant de longs séjours à l’étalage des charcuteries, ou peut encore, au besoin, remplacer le thon à l’huile, le thon qui, vous le savez, messieurs, n’est qu’un veau qui a mal évolué.

Après sa mort, le Veau, que nous avons vu si mou de son vivant, le Veau devient agressif et vous poursuit jusque dans les buffets des gares, où il finit par tomber dans la purée des modestes repas à prix fixe.

Quelques naturalistes ont observé un certain rapport entre le Veau et la Vengeance : d’après eux, ces deux aliments se mangeraient froids. J’ajouterai pour ma part, messieurs, qu’il ne faut pas manger de Veau, car cet animal, comme le citron, n’est jamais mûr.

Voilà, messieurs, tout ce qu’on ignorait sur le Veau, animal dont on ne peut retirer que de la peau pour chaussures.

Dans ma prochaine leçon, messieurs, je vous ferai part de mes recherches sur le lapin. Il ne faut pas qu’il soit dit que dans la série de mes cours j’ai sauté le lapin.


 

Certaines de ses chansons ont été mises en musique par Erik Satie: Tendrement, Un dîner à l’Élysée, Chez le docteur, L’Omnibus automobile, Air fantôme, ou par Claude Debussy: La Belle au bois dormant.

   

       

Chronique de Narbonne : le jardin de l’Archevêché .

 
Cloître Saint Just-Saint Pasteur

Cloître Saint Just-Saint Pasteur

Il est des endroits ignorés de la foule où flotte un sentiment de paisible quiétude. On y croise du regard un couple d’amoureux, un homme seul perdu dans ses songes, une jeune maman toute à son enfant… Quelques touristes aussi traversent ce jardin adossé au cloître de la cathédrale Saint Just et Saint Pasteur : comme saisis par la discrète beauté du lieu, leurs pas se font légers sur les allées gravillonnées.

Y a-t-il une malédiction du réformisme à la française ?



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Dans l’édition abonné du Figaro cet interview très intéressante de Laurent Bouvet de la Fondation Jean Jaurès

Le FIGARO. – Y a-t-il une malédiction du réformisme à la française ?

Laurent BOUVET. – Dans les exemples européens que vous avez à l’esprit, ce qui frappe, c’est d’une part la dynamique réformiste mise en œuvre dès l’arrivée au pouvoir, sans attendre, et de l’autre que celle-ci s’appuie sur un travail de fond, préalable à l’arrivée au pouvoir. Ces deux dimensions, préparation et détermination dans l’action, étant liées. Dans le cas français, il n’y a eu ni l’un ni l’autre, avant et après la victoire de François Hollande et du PS en 2012.

François Hollande, qui est un homme de synthèse et qui n’a pas assumé cette orientation, est-il le principal responsable de cet échec ? Celui-ci découle-t-il d’un problème de méthode ou plus largement d’un problème de fond ?

François Hollande a une part de responsabilité importante dans la situation actuelle – celle dans laquelle il se trouve mais également celle du PS et de la majorité et, plus grave, celle du pays – même s’il est absurde de personnaliser ainsi les choses à outrance, et que la réponse est bien plus complexe.

Mais disons qu’en tant que président de la République depuis deux ans et en tant que premier secrétaire du PS pendant plus de dix ans avant cela (de 1997 à 2008), il porte sa part de responsabilité dans les difficultés que traverse la gauche française, et la gauche réformiste au premier chef, aujourd’hui. Il est notamment pris au piège de ce qui a fait sa force pendant toute sa carrière politique : sa prédilection pour la tactique plutôt que pour la stratégie, pour la synthèse et la temporisation plutôt que pour la décision claire et tranchée. Or les qualités que l’on attend d’un chef de parti et d’un chef d’État sont différentes.

La gauche française n’a-t-elle pas aussi tout simplement une culture et une histoire différente de celle des autres gauches européennes ? En quoi ?

La gauche française a en effet une histoire spécifique, irréductible à l’expérience de ses homologues européennes. Elle est, si l’on simplifie, la double héritière, directe, de la Révolution française et du mouvement ouvrier du XIXe siècle, et, de là, de tout ce que cela implique de contradiction interne, parfois violente, entre le principe de liberté et le principe d’égalité. La difficulté du réformisme de type social-démocrate en France vient pour partie de cette histoire spécifique. Contesté par une partie de la gauche dans son fondement même, comme la trahison d’idéaux communs, au nom de la supériorité de la révolution – d’un changement intégral ou en tout cas plus profond du système -, il a du mal à s’inscrire dans l’action gouvernementale lorsque la gauche réformiste est en mesure d’exercer le pouvoir. Or pour accéder au pouvoir et espérer réformer, la gauche de gouvernement a impérativement besoin de celle qui la critique et entend l’empêcher… de réformer ! La contradiction historique est donc aussi une contradiction électorale et politique.

Plus largement l’héritage historique colbertiste et jacobin de la France paralyse-t-il toutes velléités de réformes ?

Ces deux termes mériteraient d’être précisés mais je ne pense pas qu’un tel héritage ait été historiquement paralysant. Au contraire, sans la puissance publique, sans un Etat central fort et volontaire, la France n’aurait pas pu être ce qu’elle est devenue à différentes époques clefs de son histoire.

Aujourd’hui, la question se pose de la légitimité et de l’efficacité d’un tel « modèle » mais il serait illusoire d’oublier, au nom d’une « modernité » questionnable ou d’un « progrès » incertain, la spécificité historique de la place et du rôle de l’Etat en France. D’autant plus quand on constate les défauts et les difficultés tant de la construction européenne que de la décentralisation.

M. Renzi peut-il être un modèle pour la gauche européenne et française ?

Il est trop tôt pour parler de modèle possible. M. Renzi est en poste depuis trois mois et on ne peut d’ores et déjà juger de la portée de son action. Ce qui est notable, en revanche, c’est la dynamique politique qu’il a su insuffler à la politique italienne et à l’action du gouvernement. Il a engagé des réformes importantes qui jusque-là étaient bloquées, dans un système politique italien totalement décrédibilisé, et il a gagné les élections européennes. La volonté et l’action paient en politique, que l’on soit d’accord ou non avec l’orientation choisie. Du coup, il a fait vieillir et pâlir d’un coup ses homologues européens, en particulier à Paris.

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