Contre-Regards

par Michel SANTO

La longue marche du canal vers l’Aude.

Ce titre dans le Midi Libre du 31 juillet 2008:  » Conseil Régional La longue marche du canal vers l’Aude  »  Et le rédacteur de l’article consacré à cette dernière session présidée par G. Frêche de noter  » qu’il y avait du pain sur la planche, pas moins de 127 dossiers à trancher « . Joli sens de la métaphore ! On tranche donc les dossiers comme on tranche du pain, ou des têtes, et on fait marcher les canaux sur les fleuves, en Languedoc-Roussillon. Ce qui, après tout, n’est pas une si mauvaise façon de voir les choses…

Siné et les loups.

Avec l’ affaire Siné, un vieux monsieur qui vient de se faire virer de Charlie Hebdo pour avoir écrit des lignes indignes sur Jean Sarkozy, remonte à la surface un antisémitisme à prétention sociale. Celui d’une certaine gauche qui amalgame le Juif à l’argent, à la banque et au capitalisme, et Israël à  » l’extermination » des palestiniens, l’Amérique impérialiste de Busch et l’oppression des musulmans.  Une « gauche » qui n’hésite plus à s’afficher dans les colonnes de nos grands quotidiens et dans les commentaires de ses lecteurs. Et qui, dans notre histoire, n’est pas sans titres de bassesses. Ainsi Proudhon, le père de l’anarchisme français, écrit-t-il dans ses Carnets (1858 ) à propos de la «race juive»: «Demander son expulsion de France, à l’exception des individus mariés avec des Françaises; abolir les synagogues, ne les admettre à aucun emploi […]  Le Juif est l’ennemi du genre humain. Il faut renvoyer cette race en Asie ou l’exterminer» Et le jeune Marx lui‑même, d’assurer, dans un discours douteux dans La question juive écrite en 1844 alors qu’il séjournait en France: «L’argent est le dieu jaloux d’Israël, devant qui nul autre dieu ne doit subsister» Quant à Jaurès , pourtant déjà acquis à la cause dreyfusarde, il déclare encore, en juin 1898, non sans ambiguïtés : «Nous savons bien que la race juive, concentrée, passionnée, subtile, toujours dévorée par une sorte de fièvre du gain quand ce n’est pas par la fièvre du prophétisme, nous savons bien qu’elle manie avec une particulière habileté le mécanisme capitaliste, mécanisme de rapine, de mensonge, de cor­ruption et d’extorsion. Mais nous disons, nous : ce n’est pas la race qu’il faut briser; c’est le mécanisme dont elle se sert, et dont se servent comme elle les exploiteurs chrétiens.» En pleine crise identitaire et dans un climat d’antisarkozisme haineux, la tentation du bouc émissaire juif ressurgit donc.Et pour la plus grande joie des émules de Maurras et de Drumont, elle vient d’une gauche radicale et intellectuelle qui, malheureusement encore, bénéficie d’un statut d’instance de légitimation idéologique. Sombre temps, les loups arrivent…
 

La lumière de Nicolas de Staël.

                                                                                                                       

Le ciel est bas. Couleur d’acier. L’atmosphère lourde et chargée d’humidité vous colle l’esprit
 à même la peau.Comme les premières paroles d’un matin ordinaire échangées autour d’un premier café, elle vous renvoie dans un temps trouble et sans âme. Un temps de peurs et de fantasmes à se réfugier dans l’écoute du concerto numéro 5 de J.S.Bach ou à se tourner vers la lumière d’un Nicolas de Staël. Pierre-Henri Thoreux , lui consacre un joli petit texte dans son blog. Allez voir!  

Besson! un Chardonne qui aurait « fait 68″…

 Un extrait de la dernière chronique de Patrick Besson , dans Le Point de cette semaine. C’est vif et vrai. Stylé et plein d’humour :  » Cohn-Bendit : sur quel ton il s’est adressé à notre président. Il l’a pris pour un CRS de 1968. Ou alors c’est un ex non répertorié de Carla. Le trémolo de l’indignation dans la culotte du dalaï-lama. Ayant abandonné la lutte des classes depuis plusieurs décennies, Cohn-Bendit est obligé de trouver de nouveaux prolos pour faire entendre sa voix de stentor qu’il adore. Tibétains de tous les pays, unissez-moi. Il va chercher un combat de gauche au bout du monde, tellement il ne veut pas en trouver un chez nous. Ça le démoderait de lutter contre les conditions de vie et de travail des ouvriers et employés européens. Lui ferait perdre son aura dans les médias. Ses complicités dans les journaux. On pourrait le confondre avec Besancenot, Chevènement ou Aubry. Ce qui ne serait pas moderne. Dany, c’est le styliste de la révolution. Comme Lagerfeld, pas comme Stendhal. « 
Besson, lui, est  un sceptique amusé,un virtuose du paradoxe. Chaque phrase de sa prose pourrait servir de citation:  » Le maigre est méchant car il a faim et il envie le gros parce que l’autre a bien mangé. »  Comme un Chardonne qui aurait  » fait 68 « …

La nasse d’Axel.

Pour Axel Kahn, généticien et essayiste qui a beaucoup travaillé sur l’éthique dans les sciences: «La morale universelle, c’est de limiter la manifestation des inégalités physiques. La morale sportive, c’est que le meilleur gagne. Au regard de la morale universelle, la morale sportive est donc immorale. »  Pris dans la nasse du moralisme journalistique, Il aurait pu développer cette lumineuse pensée en ajoutant qu’elle était aussi, la morale sportive, anti-égalitaire et donc anti-démocratique. Pour ne pas dire  » essentiellement  » (au sens philosophique du terme) fasciste… Aux jeux olympiques de la pensée molle et bien pensante, suggérer ainsi l’abolition de toute compétition sportive au motif qu’il y aurait des gagnants et des perdants c’est, à coup sur et facile, s’assurer le soutien des bobos avachis et des joggers du dimanche. D’autres, et peut-être les mêmes, y verront aussi la promotion d’un clonage reproductif social et démocrate à partir d’un même standard physique, intellectuel et social. L’égalité des conditions, posée en soi, pour tous et en tout domaine, c’est assurément, grâce à la suppression de tout  » système compétitif  » ou l’instauration d’une  » reproduction sociale clonée « , démocratique et imposée (!!!) , la fin des inégalités. Et celle, accessoirement, de notre humanité…