Yourcenar sur la nativité, Modiano sur l’écriture et la solitude, Buffon à propos du Martin triste etc.
Dans un entretien radiophonique et dans un langage très simple, Marguerite Yourcenar évoque la nativité de l’enfant Jésus et les Rois mages. Avec beaucoup de tact, de respect et d’élégance elle en montre toute la dimension symbolique et esthétique. Une source de sens qui déborde les seuls cadres du christianisme et qui irrigue profondément notre culture, notre tradition : « Les archéologues nous disent qu’on est pas très sûr de la date de la naissance du Christ et que par conséquent on a placé, que l’église a très sagement placé la date un peu arbitraire de la naissance de Jésus au moment où le soleil repart vers l’équinoxe de printemps et le solstice d’été, enfin le moment où le jour le plus court est suivi par un jour un peu plus long. Il y a là un symbole si beau du recommencement, du perpétuel recommencement du cycle des choses. Et en même temps, le fait que ce soit représenté par un enfant, c’est-à-dire par l’espérance humaine, un enfant couché sur la paille est en soit admirable. Et puis, alors, je vous avoue que je suis touchée par toutes espèces de côtés accessoires. Par exemple, la présence des animaux, l’amitié avec les animaux, le bœuf et l’âne présents, l’amitié des petites gens, les paysans, les bergers qui étaient là. Et puis enfin finalement, au contraire, le mystère des voyages, les sages, les philosophes, les savants représentés par les mages ; il me semble que c’est toute une vision du monde. Je trouve ça très beau.»
Inégalable Renard ! Deux pages de son journal et des pépites à la pelle : « Certaines gens voient comme si leurs yeux étaient au bout d’une perche, très loin de leur cerveau. »
Patrick Modiano : Il y a des lieux – à éviter et dont je tiens une liste – où j’ai l’impression, j’imagine que des choses ont pu se passer et où on pourrait être victime d’une rafle. Il y a des lieux de bascule, des lieux où on a ressenti un risque de sombrer, où on attendu quelque chose de très important, ou quelqu’un de très important qui n’est pas venu. Le lieu, très précis, reste associé au sentiment qui, lui, ne l’est pas… Écrire, c’est choisir la solitude et la lenteur nécessaires pour tenter de sortir d’un chaos. Il faut supprimer des phrases, faire des ratures pour ne pas tout dire, pour laisser du champ à la liberté des personnages et des lecteurs ; sinon, les mots peuvent être trop lourds, explicatifs, contrairement à la musique.
Buffon, à propos du Martin Triste de l’Ile de la Réunion (Extrait de Histoire naturelle, Volume VI) : « Cet oiseau est un destructeur d’insectes, et d’autant plus grand destructeur qu’il est d’un appétit très glouton : il donne la chasse aux mouches, aux papillons, aux scarabées : il va, comme nos corneilles et nos pies, chercher dans le poil des chevaux, des bœufs et des cochons, la vermine qui les tourmente quelquefois jusqu’à leur causer la maigreur et la mort. […] Les jeunes martins s’apprivoisent fort vite ; ils apprennent facilement à parler; tenus dans une basse-cour, ils contrefont d’eux-mêmes les cris de tous les animaux domestiques : poules, coqs, oies, petits chiens, etc., et ils accompagnent leur babil de certains accents et de certains gestes qui sont remplis de gentillesse. » ( Allégorie)
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