Au fond , tout bien pensé – et pesé – , que valent nos grandes perforations intérieures…

L’étoile du soir.

 

Au fond , tout bien pensé – et pesé – , que valent nos grandes perforations intérieures. Qui peut connaître le prix de ces inexprimables impressions, sentiments, angoisses qui, sans répit , tous les jours, toutes les nuits, taraudent nos âmes ? L’oubli, l’usage de la raison et la jouissance esthétique nous permettent, certes, d’en ordonner le sens. Mais, finalement, ce qui compte aux yeux des autres, c’est ce qui se voit, s’échange. C’est la vie dans ce qu’elle a de plus tangible : des faits, des situations, qui seuls modifient la réalité. L’humanité en quelque sorte. À l’inverse, ce que je peux penser à un niveau plus intime n’intéresse personne. Il ne peut faire l’objet d’éventuelles transactions qu’a la condition de se transformer en cartes d’identités sociales : nationales, militantes ou commerciales (celles qui sont dites de fidélités !), notamment. À cette condition seulement , il nous sera permis de nous fondre dans la foule, le troupeau, la coterie, les ordres, que sais-je encore ; d’y trouver un langage et des désirs communs ; à s’y oublier dans le plaisir, le divertissement, le mensonge ou la haine. Il suffit d’ailleurs pour s’en convaincre de feuilleter ces pages virtuelles d’amis sur les réseaux sociaux. Rares, en effet, sont ceux qui osent s’y affranchir des normes, pensées et injonctions communes. Y exposerais-je mon désintérêt pour Picasso, Soulages, l’art contemporain, la poésie d’un Mallarmé, celle d’un René Char, le Rap … ; le rejet des meutes moralisatrices ou politiques, ou mon refus de participer au concert de casseroles vespéral pour saluer l’héroïsme du personnel des services de santé, en ce temps de confinement, par exemple, que ne manquerait pas de s’élever le choeur verteux des juges du bon goût et de la bonne pensée. L’isolement imposé par la menace virale à la moitié de l’humanité, qui rassemble et isole à la fois, nous permet de faire l’expérience de ces difficultés à partager un même monde. La compassion générale qui atteint l’espèce humaine en cette circonstance historique, ne peut en effet rencontrer ce qui restera toujours inaccessible à l’autre, dans un Monde réduit à son seul espace politique et sensible. Elle ne le pourra jamais car les émotions et les sentiments qui traversent l’intime, le secret d’un seul coeur, y résistent.

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