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Les jeux de Ménard.

 


Ce Robert Menard commence sérieusement à me fatiguer. Et son arrogance de militant patenté et auto reconnu des droits de l’homme s’exprimant sur tous les plateaux au nom des Reporters Sans Frontières, des syndicats de journalistes, d’Amnesty international, voire du Dalaï lama lui-même, m’énerve. Elle énerve aussi Jean Luc Mélenchon (voir son blog). Comme lui, je ne partage pas un enthousiasme béat pour la réincarnation du Bouddha et considère que si l’on voulait mettre en cause le régime de Pékin il fallait le faire au moment du choix pour les jeux. Cela dit, je n’ai pas de sympathie particulière non plus pour le régime  chinois et ne dirais pas comme notre sénateur socialiste, un des rares hommes politiques cependant à s’offusquer de ce traitement infligé à un grand peuple et au mouvement sportif international, que, sans les communistes chinois, le Tibet de 2008 ressemblerait à L’Afghanistan des talibans. Sans doute un reste de son passé trotskiste !… Non,ce qui m’intéresse surtout dans cette affaire, c’est la manière dont est fabriquée l’info dans ce pays à partir de coups de gueules surmédiatisés montés par des spécialistes des médias. Aussi, plutôt que d’aller dans de plus amples développements, contentons nous des quelques images qui suivent. Edifiantes…

Crise au Tibet – P. Haski (Rue 89) et R. Nusbaum (France 3)
par asi

La vérité de Rollat.

Alain Rollat, ancien journaliste au Monde de 1977 à 2001, écrivait ceci, le 6 février 2004, à Henri Maler, d’Acrimed :

« Etre journaliste – les membres de votre Association le savent aussi bien que moi – c’est faire de l’exigence de vérité sa vertu cardinale. La vérité étant plurielle, cette voie est aléatoire. S’y aventurer, c’est prendre le risque d’y côtoyer l’ignorance, l’erreur et le mensonge. Il y faut de l’expérience et de l’humilité. Il y a des faits qui mentent parce qu’ils sont isolés de leur contexte ou n’apportent qu’une connaissance fragmentaire de la réalité. Il y a des jugements qui déforment parce qu’ils sont fondés sur un intérêt. Il y a une bonne foi qui abuse parce qu’elle reste embourbée dans l’erreur. Les manuels de journalisme sont bourrés d’exemples de ces vérités que l’on ne sait pas voir, que l’on ne veut pas voir, que l’on voit mais que l’on ne peut pas ou ne veut pas dire, de ces vérités que l’on montre à des gens qui ne veulent pas les voir ou que l’on dit à des gens qui ne veulent pas les entendre. Il y a aussi, plus banalement, les vérités que l’on dissimule parce qu’elles démentent celles qu’on affiche… »

Le 7 avril 2008, à Narbonne, où il assurait la promo de son dernier bouquin,un plaidoyer en faveur de G.Frêche, il disait encore ceci, à V.D, de l’Indépendant : « Le pire dans notre profession est de s’aligner par facilité sur les analyses des autres. »

Peut-être! Mais on  peut se complaire aussi dans un livre-enquête singulier et solitaire, comme il vient de le faire,sur ce qu’il considère comme une tentative d’ assassinat politique du président de région  et, à l’occasion, manquer dédaigneusement au devoir de vérité si joliment écrit en …2004 ! Par fascination du pouvoir? Tiré par le même fil rouge qui l’avait amené à prendre celui du  » Monde  » en entraînant les troupes de la CGT, qu’il dirigeait , derrière le couple Colombani Pleynel ? Par ressentiment sans doute aussi envers l’ensemble des médias de ce pays qui n’ont pas su reconnaître en lui l’archétype du journaliste authentique et vertueux. Il est vrai, qu’avec le temps, on échappe difficilement à cette réaction de la conscience : se poser en victime des pouvoirs que l’on a conquis et exercés, en l’espèce celui des médias, quitte à magnifier, en l’occurence et à l’appui de son amertume, ceux qui en abusent en politique… En réalité, A. Rollat, pratique l’art du travestissement et son livre est une enquête… sur lui même ! 

Lecture de Léon Bourgeois.

 

 

Léon Bourgeois et son solidarisme sont, signe des temps, de retour dans l’actualité des sciences humaines. Pour preuve le dernier ouvrage de Marie-Claude Blais : «  La solidarité. Histoire d’une idée » NRF Gallimard, Bibliothèque des Idées, 2007, 347 p. Si, dans cet ouvrage, M.C Blais se propose de retracer la genèse de cette idée de solidarité, héritage de deux siècles de réflexion sur les rapports entre l’individuel et le social, elle n’insiste pas moins sur ce moment particulier de notre histoire sociale et politique moderne, où ce mot d’ordre de la solidarité fut le slogan des fins de banquet radicaux. En lui, était symbolisé et résumé  le sens d’une « synthèse républicaine », dans sa quête d’une alternative tant à l’individualisme libéral qu’au collectivisme socialiste. Que nous dit Bourgeois ? Que, contre l’anthropologie libérale, l’être ensemble des hommes est une « association solidaire » , un espace d’échange réciproque où chacun reçoit des autres (et leur donne en retour), que d’homme à homme, il y a une dette et qu’elle doit être payée. Par qui ? Par tous ceux qui ont tiré bénéfices des efforts présents et passés de milliers de «  coopérateurs anonymes » pour en faire bénéficier tous ceux qui n’ont pas reçu leur quote-part des richesses engendrées par la coopération sociale. Reste la question de son montant à laquelle la réponse des solidaristes se déduit de la subtile théorie du « quasi-contrat ». Pour eux, si l’Etat, par la loi, peut légitimement instituer une règle de répartition des charges et des avantages sociaux, cette loi ne devra être « qu’une interprétation et une représentation de l’accord qui eût dû s’établir préalablement entre eux s’ils avaient pu être également et librement consultés ». C’est sur ces bases théoriques que repose l’Etat-Providence républicain (1), mais que pointe aussi l’idéal même du collectivisme d’Etat ou celui d’une généralisation de la coopération volontaire entre des individus émancipés politiquement, socialement et économiquement. A ce titre, comme Marcel Gauchet le suggère, cette solidarité socialiste manifeste l’idéal – profondément libertaire, voire libéral – d’un monde sans maître où « la pure socialité, le libre lien consenti entre les individus ont vocation à abolir l’autorité et à réaliser la justice » (Gauchet, La crise du libéralisme, Gallimard, 2007, p.62). Comme l’on voit aussi qu’elle constitue toujours le substrat idéologique de formes contemporaines d’espérance et d’illusions : altermondialisme, autogestion…  Mais sortons des idéaux, pour évoquer un autre problème beaucoup plus concret et actuel posé par le solidarisme. Celui d’une aliénation du plus grand nombre dès lors que les payeurs et les bénéficiaires de la « dette sociale » n’ont pas la connaissance et la maîtrise sociale, politique, morale et intellectuelle de ces transferts. Aliénation qui constitue le fond de commerce de tous les sociaux corporatistes de gauche comme de droite et qui s’est installé dans nos esprits en même temps qu’on y éradiquait les valeurs de mérite et de devoir… Il n’est donc pas étonnant que, dans un contexte politique marqué par une inflation de demande de droits assise sur l’idée de solidarité et la nécessité d’une profonde réforme de l’Etat-Providence, ce genre de littérature fasse l’objet d’un certain renouveau.


(1) le Petit dictionnaire de la charité, édité par le Secours catholique, en 1996, consacre un article à« Solidarité » et à la pensée de Léon Bourgeois, montrant les limites de la charité individuelle et présentant l’auteur de Solidarité comme un des précurseurs de l’Etat-providence…

 

 

Les bourriques du  » Monde « .

 

Dans « Le Monde » d’aujourd’hui un édito anonyme au canon sur « l’exécutif » à propos de l’engagement de troupes françaises supplémentaires en Afghanistan. Le tir visant moins l’envoie de nouvelles troupes que la décision de ne point en débattre, et voter, à l’Assemblée. L’argument principal : «  Il y a un an, durant sa campagne, Nicolas Sarkozy avait estimé que la présence française dans ce pays n’avait pas vocation à se pérenniser. Il a évidemment le droit d’avoir changé d’avis ; à condition de s’en expliquer. Ne pas le faire l’expose au grief de se laisser entraîner dans une « dérive atlantique », à la remorque des Etats-Unis et en rupture avec la stratégie plus indépendante de la France définie par le général de Gaulle. » Magnifiquement et perfidement faux-cul ! Dans la même phrase, on  demande à Sarkozy de s’expliquer devant l’Assemblée,  ce qu’il ne peut pas faire, et, le sachant on lui fait le procès d’être pro-Busch, tout en admettant in fine « que l’intervention en Afghanistan n’est pas sans fondement : approuvée par l’ONU pour chasser le régime des talibans qui protégeait Ben Laden et les organisateurs des attentats du 11 septembre 2001.» Pour conclure, au terme, de cette rhétorique, d’une malhonnêteté intellectuelle confondante que «  Si on le leur expliquait, les parlementaires, comme les citoyens, seraient capables de le comprendre. » Laurent, Ségolène, François ayant entendu les explications de Fillon, il nous faudrait donc en déduire qu’ils seraient incapables de comprendre qu’il est de notre intérêt national d’éviter que se reconstitue dans ce pays une base terroriste capable d’exporter à nouveau la violence dans le monde entier. Ce qui serait vraiment les prendre pour ce qu’ils ne sont pas : des imbéciles, mais qui nous informe, une fois de plus, sur ce théâtre de marionnettes où les spectateurs citoyens sont pris pour des demeurés et les lecteurs du « Monde » pour des bourriques.

Adieu rigueur, bonjour paresse!

 

François Hollande, avec sa rigueur de jugement habituelle, considère que le premier ministre manque de rigueur morale. Plutôt que de gestion sérieuse et économe, il voudrait que François Fillon parlât en effet de plan de rigueur. Ce serait faire preuve de rigueur dans son expression, à défaut dans avoir dans l’exécution de sa politique, nous dit-il. Si le raisonnement est indiscutablement empreint d’une certaine rigueur, suffira-t-il à faire fléchir la rigueur toute protestante de Fillon ? En toute rigueur, j’en doute. Faire preuve d’une certaine rigueur dans la gestion des affaires de l’Etat, ne mettra pas la France et les Français aux arrêts de rigueur. Les rigueurs de la conjoncture sont telles, qu’à l’extrême rigueur, avec un peu moins de dépenses publiques, on peut adoucir la rigueur des prélèvements fiscaux et sociaux. Tout en tenant compte, bien évidemment, des rigueurs de la pauvreté, ce qui, on en conviendra, avec celles du sort méritent quelques délais de rigueur au risque de tomber dans une récession d’une rigueur excessive. La rigueur de l’esprit, en politique, a ceci d’étrange que ce mot de rigueur est devenu imprononçable.Trop âpre, rude, sévère sans doute lui qui exprime si bien la justesse,la cohérence,l’exactitude. Dans ce monde aseptisé et apeuré l’exactitude n’est hélas plus indispensable. Désormais, il nous sera tenu rigueur de traiter avec rigueur de quoi que soit ou de quelque chose avec quelqu’un…Adieu  rigueur, bonjour paresse !

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