Dans la salle des pas perdus du crématorium « Le Grand bleu », elle pleurait ce philosophe balnéaire, son ami – noyé ! : « il aura brûlé sa vie par le petit bout ».
Dans le style « genré » ! De madame Royal, qui n’est pas un aigle, doit-on dire que c’est une buse ?
Assis sur les marches du Palais du Travail, des Sports et des Arts, un clochard. Sur son tee-shirt : « École de commerce de Montpellier ».
Cette après-midi dans un salon de thé (on l’appellera : « Chez Angèle ») : « Mais ma chère Marie, ne vois-tu pas que ton petit Gabriel a le diable au corps ».
Ce matin aux Halles. Ma volaillère, un gros couteau à la main : « Je vous laisse la tête ? »
« Estamos aquí ! » Ces mots venaient d’une petite fille assise sur le seuil de la « bijouterie Aivadian ». Sa voix était forte et son ton catégorique. Le doigt pointé sur un plan de la ville, qu’elle avait étalé sur ses genoux, elle s’adressait à ses jeunes parents qui l’attendaient de l’autre côté de l’étroite rue de l’Ancien Courrier.
J’ai visionné hier soir le film de Sorrentino : « La grande bellazza » – « la grande beauté » : celle de Rome. Un film époustouflant de virtuosité technique et d’une grande exigence éthique. Jep Gamberdella, interprété par le magistral Toni Servillo, en vieux dandy tiré à quatre épingles, promène son ennui dans les fêtes aussi grandioses que vaines de la belle société romaine. Avec son léger sourire, mi ironique – mi tragique, Jep est un « cynique sentimental » comme l’explique le cinéaste ; il est en quête d’une beauté déjà passée, qui lui échappe sans cesse. Sorrentino dit de son personnage qu’il « navigue entre l’insolence et l’émotion. La beauté l’émeut, il la perçoit, mais il la sait incapable de durer, et la prescience de cette perte implacable lui fait monter les larmes aux yeux dans la séquence où il regarde les clichés de ce type qui s’est pris en photo chaque jour de son existence. ».
La première phrase du film est empruntée à Céline : » Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déception et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force ».
Et la dernière : « sous le blabla se cache le silence et les sentiments. Que ce roman commence ».
Le film s’arrête. Le spectateur n’a plus qu’à fermer les yeux et son voyage peut enfin démarrer.
Madame Raquel Garrido s’indigne que le premier ministre lui interdise désormais de manger du pop-corn dans une salle de cinéma. Elle n’en comprend pas les raisons civiques : l’empêcher de polluer l’environnement sonore et olfactif de ses voisins ; et sanitaires : la protéger surtout d’une pathologie sociale préoccupante : le surpoids, source de dérèglements de toute nature – notamment psychosensoriels : boulimie, paranoïa, etc. Doit-on entendre, finalement, que pour cette avocate insoumise, ce petit régime éthique et sanitaire serait au-dessus de ses moyens. Qu’il serait déjà trop tard, pour elle en tout cas…
J’étais dans cet état où de brumeuses idées mêlées à de troubles souvenirs occupaient mon esprit sans pouvoir se fixer sur un moment, un objet ou une personne qui auraient pu ranimer les sentiments et les émotions éprouvés dans mon enfance en ce temps de Noël, quand des cris et des bruits de tambours se sont bruyamment fait entendre sous mes fenêtres.