Cet homme est un mystère…
Cet homme est un mystère.Tous les matins il traversait le champ de ma fenêtre. Toujours à la même heure, il allait à grands pas ; toujours courbé sous un lourd havresac qui tirait sur ses maigres épaules.
Cet homme est un mystère.Tous les matins il traversait le champ de ma fenêtre. Toujours à la même heure, il allait à grands pas ; toujours courbé sous un lourd havresac qui tirait sur ses maigres épaules.
Hier, ma ville était grise et mouillée. Il pleuvait ! Un incessant lamento couvrait tout l’espace. Les façades gorgées d’eau présentaient d’étranges figures ; de rares passants semblaient glisser sur des trottoirs rendus à l’état liquide, tandis que des corneilles disputaient aux pigeons un carré de verdure imbibé d’eau, pareil à une éponge. Le temps s’étirait mollement ; le jour semblait la nuit, et je n’avais nulle envie d’en briser la ligne, ne serait-ce qu’une heure durant.
15h 15 ! Sur la ville, d’épais nuages bas poussés par un fort vent de mer, filent vers l’intérieur des terres. Par moments, des trouées de lumière donnent à voir un peu de ciel bleu. Le soleil s’y glisse et colore des façades aux volets tristes. Tout semble las et respire l’ennuie.
Il est 10h 45 ! Lavé, rasé, habillé et chaussé, je déplis mon attestation de déplacement dérogatoire, coche la deuxième case, la date, la signe ; prends la porte et descends l’escalier pour aller faire mes « achats de première nécessité ». Aux Halles, là tout près. La rue en bas est déserte, et le ciel très bleu. Un vent marin, un brin frisquet, pousse une canette de bière.
28 mars, il est 8h 19, précisément. Sur ma terrasse ! Une tasse de café aux lèvres, je laisse mon regard aller au dessus de toits encore sombres ; et se perdre dans un ciel toujours aussi triste. L’animent des goélands au vol lourd ; ils tournoient lentement, pareils à des vautours. Plus bas, dans la rue, déserte, un homme seul, âgé, couvert d’une épaisse parka rouge, tire un léger chariot vert. Au loin, en remontant façades et faîtages, la Clape et son front bas, ondulé ; jusqu’à ce que, à la dérive sur les murs et les toits de la ville, j’aperçoive, enfin, évidents et sensibles, les espiègles battement d’ailes d’une hirondelle ; solitaire et joyeuse…