De la société, des niches, des grands et des petits …

 

Après une soirée passée aux « Universités Nomades » (1) où j’étais invité, en compagnie de Stéphane Kowalczyk et de Thierry Gomar, à  « plancher » sur le thème : Le blogueur comme descripteur du langage institutionnel, et au hasard de quelques pages numériques lues juste avant la naissance de ce nouveau jour, ceci:

41IzSD6VsIL._AA278_PIkin4,BottomRight,-55,22_AA300_SH20_OU08_Qu’est-ce que la société quand la raison n’en forme pas les noeuds, quand le sentiment n’y jette pas d’intérêt, quand elle n’est pas un échange de pensées agréables et de vraie bienveillance ? Une foire, un tripot, une auberge, un bois, un mauvais lieu et des petites maisons ; c’est tout ce qu’elle est tour à tour pour la plupart de ceux qui la composent.

On peut considérer l’édifice métaphysique de la société comme un édifice matériel qui serait composé de différentes niches ou compartiments d’ne grandeur plus ou moins considérable. Les places avec leurs prérogatives, leurs droits, etc., forment ces divers compartiments, ces différentes niches. Elles sont durables et les hommes passent. Ceux qui les occupent sont tantôt grands, tantôt petits, et aucun ou presque aucun n’est fait pour sa place. Là c’est un géant, courbé ou accroupi dans sa niche ; là c’est un nain sous une arcade ; rarement la niche est faite pour la stature ; autour de l’édifice, circule une foule d’hommes de différentes tailles. Ils attendent tous qu’il y ait une niche de vide, afin de se placer, quelle qu’elle soit. Chacun fait valoir ses droits, c’est-à-dire sa naissance, ou ses protections, pour être admis. On sifflerait celui qui, pour avoir la préférence, ferait valoir la proportion qui existe entre la niche et l’homme, entre l’instrument et l’étui. Les concurrents même s’abstiennent d’objecter à leur adversaire cette disproportion.

Inutile de rajouter quelques commentaires…

(1) Reportage photographique de Philippe Taka, en lien en cliquant sur (ici)

Coup de coeur! Marie-Hélène Lafon et son « Joseph »…

w640Joseph est le nouveau roman de Marie-Hélène Lafon, après L’Annonce (2009) et Les Pays (2012). Joseph est l’histoire d’un ouvrier agricole, dans une ferme du Cantal. L’histoire aussi d’un monde qui se meurt. Le monde de la « petite » paysannerie de montagne, de ses travaux, de son isolement , de ses silences. Un monde dur à la peine, que quittent les enfants aussitôt nés à l’âge adulte pour s’en aller, gagner leur vie à la ville et fonder maison et famille. Comme Michel, le frère jumeau de Joseph. Joseph qui ne quittera jamais les frontières de son canton que pour y mourir avec pour seul avoir une valise et son nécessaire pour ses obsèques. Depuis toujours, Joseph loge chez ses patrons. C’est un doux Joseph! Il aime les bêtes et l’odeur des étables; il se tient à sa place.

Fabrice Luchini : « Il faut reconnaître que la bêtise prend des proportions inouïes »

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FABRICE LUCHINI : « IL FAUT RECONNAITRE QUE LA BETISE PREND DES PROPORTIONS INOUÏES »

Interview pour Le Figaro, 13 décembre 2014

LE FIGARO. – Vous commencez le 5 janvier un spectacle intitulé « Poésie ? ». Vos choix sont de plus en plus exigeants…

Fabrice LUCHINI. – La poésie ne s’inscrit plus dans notre temps. Ses suggestions, ses silences, ses vertiges ne peuvent plus être audibles aujourd’hui. Mais je n’ai pas choisi la poésie comme un militant qui déclamerait, l’air tragique : « Attention, poète ! » J’ai fait ce choix après avoir lu un texte de Paul Valéry dans lequel il se désole de l’incroyable négligence avec laquelle on enseignait la substance sonore de la littérature et de la poésie. Valéry était sidéré que l’on exige aux examens des connaissances livresques sans jamais avoir la moindre idée du rythme, des allitérations, des assonances. Cette substance sonore qui est l’âme et le matériau musical de la poésie.

Fleur Pellerin: « Un ministre, en 2014 ou en 2015, n’est pas quelqu’un qui est payé pour lire des livres chez soi. »

Capture d’écran 2014-12-14 à 10.36.25Jeudi matin , sur France Info : «Un ministre, en 2014 ou en 2015, n’est pas quelqu’un qui est payé pour lire des livres chez soi. C’est vrai que c’est important, mais je pense que ce que les Français, les auteurs et les artistes attendent de moi, c’est que je défende leurs intérêts. Un ministre de la Culture doit défendre la culture et non sa culture.» Sur le fond, elle n’a pas tort. On ne demande pas au ministre des transports de savoir conduire un TGV, comme à celui de la Défense de piloter un Mirage. Mais à suivre son raisonnement on pourrait en conclure  que, pour défendre la Culture, il n’est pas nécessaire d’en posséder et d’en entretenir quelqu’une, la sienne ou celle que l’on présente en général comme commune.

Chronique de Narbonne et d’ailleurs. L’usage du monde, avec Nicolas Bouvier…

674725_0203518562292_web_teteUn vent froid et humide parcourt les rues de la ville. De ses murs sourd une musique de galerie marchande. Sirupeuse , assommante! Le temps de l’Avent est désormais celui des marchands. Comme partout ailleurs, le même village de Noël et les mêmes cabanes aux toits ouatés. De l’autre côté des Barques, des manèges pour les enfants et une gigantesque «montagne russe». Son architecture de ferraille, fait un bruit de fin de monde quand ses voiturettes la dévalent. On crie; on s’amuse a se faire peur. La nuit tombe au milieu du jour quand je sors de ma petite librairie de la rue Droite, pressé de me plonger dans l’univers des Modiano, James Salter, Marie-Hélène Lafon et Nicolas Bouvier. Nicolas Bouvier et son «Usage du Monde» que j’ouvre dans le salon de thé de la rue de l’Ancien Courrier tenu par une sympathique et chaleureuse américaine qui y fait d’excellents gâteaux. Et dès les premières lignes, les perceptions se pressent, se renvoient les unes les autres dans une résonance heureuse où tout est lié : « J’étais dans un café de la banlieue de Zagreb, pas pressé, un vin blanc-siphon devant moi. Je regardais tomber le soir, se vider une usine, passer un enterrement – pieds nus, fichus noirs et croix de laiton. Deux geais se querellaient dans le feuillage d’un tilleul. Couvert de poussière, un piment à demi rongé dans la main droite, j’écoutai au fond de moi la journée s’effondrer joyeusement comme une falaise. Je m’étirais, enfouissant l’air par litre. Je pensais aux neufs vies proverbiales du chat ; j’avais bien l’impression d’entrer dans la deuxième.» (Pages 10 et 11). Chaque phrase est un enchantement, une exploration sans fin des innombrables couches de sens qui composent le réel, me disais je; jusqu’à ce que déboule dans mon petit abri a l’écart du monde, cette furie enfiévrée gueulant dans son portable collé à son oreille la liste sans fin de ses achats du jour.Toute l’ambivalence et les contradictions du monde dans ce seul moment qui les condense toutes. Impossible en effet de partager entre l’or et la boue. Il sera temps plus tard, au milieu de la nuit , de reprendre le cours de ma lecture… La vie quoi!

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