Aki Kaurismäki, Alma Pöysti et Jussi Vatanen sur le tournage des Feuilles mortes.

Dimanche au cinéma : Les feuilles mortes, d’Aki Kaurismäki.

Di.24.9.2023

Aki Kaurismäki, Alma Pöysti et Jussi Vatanen sur le tournage des Feuilles mortes.
Aki Kaurismäki, Alma Pöysti et Jussi Vatanen sur le tournage des Feuilles mortes.

Ansa travaille dans un supermarché et vit seule dans une maison basse et grise d’une lointaine et sinistre banlieue d’Helsinki. Holappa est ouvrier dans une entreprise de découpe et de récupération de métaux et vit, avec son camarade et des travailleurs immigrés, dans une cabane de chantier. Leurs emplois sont précaires. Ansa est virée pour avoir donné à un SDF de la nourriture ayant dépassé la date de préemption et conservé pour elle un sandwich avarié. Holappa l’est aussi pour alcoolisme. Ils ne se connaissent pas et se croisent par hasard dans un bar lors d’une séance de karaoké. Ce sont de grands timides. Ils parlent peu et ne se parlent pas. Ils échangent leurs regards : brumeux, lourds de fatigue et de nuits agitées. Une faible lueur brille cependant dans celui d’Ansa. Holappa y répond sous le voile de fumée de ses cigarettes. Ils sont faits l’un pour l’autre. Leur premier rendez-vous est au cinéma. Ils vont voir The Dead Don’t Die, de Jim Jarmusch. Ansa donne à Holappa son numéro de téléphone. Il le perd. Elle l’attend. Lui aussi, pendant de nombreux jours devant ce cinéma. Ils finiront par se rencontrer. Ils dîneront chez elle. La solitude d’Ansa est telle qu’elle devra acheter des couverts pour lui. Il boit trop, à la dérobée. Elle lui dit de choisir : elle ou l’alcool. L’alcool qui a tué son père et son frère, et fait mourir sa mère de chagrin, lui dit-elle. Il la quitte brutalement : « On ne me commande pas ! » Un chien sera le compagnon de substitution d’Ansa. Plus tard, il la rappellera pour lui dire qu’il avait abandonné l’aquavit. Elle l’attend, à nouveau. Mais il se fera renverser par un tram au sortir de chez lui. Elle l’attendra encore jusqu’à ce que l’ami d’Hollapa l’informe de son accident, de son coma, et lui donne enfin son prénom, qu’elle ignorait. L’avenir finalement leur réservera le meilleur. Sous une pluie fine de feuilles mortes, ils quitteront ensemble l’hôpital. « Dis-moi, comment s’appelle ton chien ? Chaplin, lui répond-elle. »

Voilà ! C’est une histoire simple et éternelle. Avec des personnages évoluant dans une ville blafarde et des décors minimalistes, d’une autre époque : dans des cafés gris suintant d’amères solitudes, des juke-box diffusent Mambo italiano et de tristes rockers chantent leur désespoir ; et chez Ansa, un énorme poste radio grésillant déverse en continu des informations sur la guerre en Ukraine. Tout cela est raconté par Aki Kaurismäki sur un ton détaché, juste. Les silences y sont éloquents et les sourires tristes. Le film est poignant, magnifié par un couple d’acteurs exceptionnels. On se dit aussi en quittant la salle que le style d’Aki Kaurismäki est merveilleusement simple et que l’on vient de voir un chef-d’œuvre.

Mots-clefs : , ,

Rétrolien depuis votre site.

Commentaires (2)

  • Avatar

    hélène vanardois

    |

    Il y a longtemps que je ne manque aucun film de ce réalisateur ,je n’ai jamais été déçue !il sublime de beauté les « petites gens « perdus dans l’anonymat

    Reply

    • Avatar

      Michel Santo

      |

      Bonjour ! Oui ! Et ce n’est pas par hasard que dans la dernière scène du film, Holappa demande à son aimée le nom de son chien. Chaplin. Tout le film est en effet inspiré par la « philosophie » tragi-comique de ce dernier. Merci pour votre fidélité Hélène…

      Reply

Laisser un commentaire

Articles récents