Écrire est comme retenir et actualiser le temps. Comme une prière.

 
 
 
 
 
 
Ve.23.12.2022
 
Moments de vie.
 
Quand je me suis assis à la seule table de café inoccupée de la place, l’horloge de l’hôtel de ville sonnait cinq heures. Le temps s’étalait dans la douceur et les gens se déplaçaient à pas lents. Certains déboulaient des rues commerçantes les bras et les mains encombrés de sac en papier. La plupart portaient des habits sombres et se confondaient dans la nuit. Mais tous semblaient animés d’un même désir de paix et de sérénité. Comme une parenthèse ouverte dans une vie saturée de violence. Devant moi, était assise une très jeune fille. Elle portait une longue robe d’un coton bleu ciel. Petite et très mince, ses cheveux noirs tirés sur sa nuque, elle offrait à ma vue un visage d’une grande finesse. À cela s’ajoutaient un teint lumineux et des gestes gracieux. Comme celui de ses doigts passés délicatement dans les cheveux de son ami. Son sourire alors disait sa tendresse et son amour. Le hasard a fait que nous nous sommes retrouvés un plus tard devant la caisse du cafetier. Sous une lumière triste, son visage avait néanmoins l’éclat de la porcelaine. Elle était encore plus petite que je ne l’avais imaginé. Je la pensais très fragile. Quand elle fut partie, j’ai interrogé le jeune patron qui me rendait la monnaie :
« Avez-vous remarqué la beauté de ce visage qui vient de nous quitter, la pureté de son profil ?
– Ah bon ! Peut-être… Bonne soirée… »
Ainsi, quelques minutes avaient suffi pour qu’apparaissent en même temps dans la plénitude de leur mystère les visages du merveilleux et de l’absurde, songeai-je. Quelques minutes seulement, mais qui cependant continuent leur chemin dans le temps de la mémoire. Écrire, finalement, c’est retenir et actualiser le temps. Comme une prière.
 
 
 
 

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