« LE SENTIMENT QUE L’EUROPE EST UNE PASSOIRE (…) NOURRIT LE « POPULISME » ET ALIMENTE LES INSURRECTIONS ÉLECTORALES. »
Casser l’engrenage dévastateur
Croire que le plus dur est passé parce que les flux ont diminué depuis le pic de 2015 est illusoire quand on connaît les prévisions démographiques africaines ; 1,2 milliard d’êtres humains aujourd’hui, 2,5 milliards en 2050 sauf si le planning familial était mis en œuvre partout. Et comment être sûr que d’autres drames atroces ne jetteront pas à nouveau demain sur les routes des familles entières à la recherche d’asiles ? Pour casser cet engrenage dévastateur, il faut donc, dans un cadre et par des mécanismes durables, contrôler ces flux.« LA DISTINCTION, QUI N’AURAIT JAMAIS DÛ ÊTRE PERDUE DE VUE, ENTRE LES DEMANDEURS D’ASILE ET LES MIGRANTS ÉCONOMIQUES, DONT CERTAINS SERONT ADMIS COMME IMMIGRANTS LÉGAUX, EST CRUCIALE. »
Réseau de centres d’accueil
Le traitement, aussi rapide que possible, des demandes d’asile au sein de Schengen, devra se faire dans un véritable réseau de centres d’accueil à créer, sous un nom ou sous un autre, dans les pays extérieurs au plus près des zones de conflits ou de départ, partout où c’est possible (c’est déjà le cas au Niger, mais c’est impossible en Libye). Mais il faut aussi, comme l’a proposé le président Emmanuel Macron, installer sur le territoire européen, aux frontières extérieures de Schengen, des centres fermés et sécurisés où l’on examinera qui relève ou non du droit d’asile, ce qui relativisera la notion de pays d’arrivée qui est la base de l’accord de Dublin et des controverses qui en découlent. Bien sûr, les critères d’attribution de l’asile dans Schengen devront être complètement harmonisés, et les demandeurs d’asile acceptés devront être beaucoup mieux accueillis et intégrés. Quant aux déboutés, ils devront être pris en charge et reconduits par Frontex en dehors de Schengen, dans leur pays d’origine où ils pourront postuler comme immigrants légaux. On ne peut pas fixer a priori de quotas de réfugiés : étant donné que le nombre des futurs demandeurs d’asile dépend des tragédies futures, il ne peut pas être plafonné artificiellement à l’avance. L’Europe devra rester généreuse, vis-à-vis des personnes persécutées ou menacées, tout en aidant plus les pays voisins qui les accueillent en premier lieu, comme la Turquie, la Jordanie, le Liban.Cogestion indispensable
La question des migrations est différente. Les mouvements de migration économiques vers les pays riches d’Europe, le Canada, les Etats-Unis, l’Australie, mais aussi la Côte d’Ivoire, le Maroc, l’Afrique du Sud, ou d’autres émergents, ne cesseront pas, raison de plus pour s’organiser. Des quotas d’immigration légale par pays, et par métiers, devront être fixés chaque année au cours d’un sommet entre pays de Schengen, pays de départ et pays de transit. Ces derniers demanderont des compensations et des aides, ce qui conduira à reconsidérer de proche en proche toutes les politiques de codéveloppement. Cette cogestion est indispensable car il est impossible de détruire sans ces pays les réseaux de passeurs et leurs complices qui ont reconstitué une économie de la traite en Afrique ; gérer avec eux, avec l’aide du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), dans des centres d’accueil au sein de plates-formes régionales, aussi bien les demandes d’asile que les demandes d’immigration en Europe ; lutter contre le trafic de faux papiers dans le Sahel ; et mieux contrôler les frontières entre ces pays. Il ne faudrait pas en être réduit, tout cela ayant échoué, et les garde-côtes libyens étant impuissants, à être obligés de bloquer les ports de Libye ! En même temps, cette gestion plus rigoureuse des flux migratoires permettra de favoriser, comme promis dans le discours d’Emmanuel Macron à Ouagadougou, la circulation pour les non-candidats à l’immigration (étudiants, hommes d’affaires, artistes).« DES QUOTAS D’IMMIGRATION LÉGALE PAR PAYS, ET PAR MÉTIERS, DEVRONT ÊTRE FIXÉS CHAQUE ANNÉE AU COURS D’UN SOMMET ENTRE PAYS DE SCHENGEN, PAYS DE DÉPART ET PAYS DE TRANSIT. »
Ceux que la repentance aveugle ou paralyse
Il est urgent que les opinions européennes constatent un vrai changement. La répartition des réfugiés, le montant des compensations, la fixation du nombre de migrants légaux, la dénomination et l’organisation du réseau de centres à l’extérieur ou aux frontières, et leur fonction, donneront lieu à des négociations permanentes et difficiles. Mais une partie de l’opinion européenne changera quand elle réalisera que ces flux seront désormais mieux « gérés », que la partie de mistigri sur les réfugiés est finie et qu’il y a une politique claire, à court et long terme. Et même si des flux d’immigration illégaux se poursuivent, ils deviendront quand même moins importants. Néanmoins, il ne faut pas se cacher que plusieurs secteurs de l’opinion, minoritaires mais très actifs et « audibles », continueront à opposer un tir de barrage à la mise en œuvre de cette indispensable politique, pour des raisons opposées – il faut aider tous ceux qui souffrent ; il faut repousser tous les envahisseurs.« S’IL N’Y AVAIT DANS LE MONDE QUE 10 MILLIONS DE CANDIDATS À L’IMMIGRATION EN EUROPE, CELA NE POSERAIT AUCUN PROBLÈME ! »
Fossé élites/peuples
Il faudrait même oser questionner le bilan des grandes institutions judiciaires françaises ou européennes chargées d’appliquer des grands textes comme la Convention européenne des droits de l’homme et qui, par effets de cliquet et avec une totale bonne conscience, peuvent donner à la longue aux citoyens le sentiment qu’elles se substituent à la souveraineté et à la démocratie. Alors que le problème numéro un de l’Europe est le fossé élites/peuples ! Le plan paraît irréaliste ? Une telle politique n’est viable que si tous les pays de ce Schengen confirmé et renforcé, une fois l’accord trouvé, s’engagent à être des partenaires responsables et solides sur l’asile comme sur les migrations. Quid des pays de Visegrad [un groupe informel composé de la Hongrie, de la Pologne, de la République tchèque et de la Slovaquie] ? De l’Italie ? De l’Espagne à Ceuta et Melilla [enclaves espagnoles au Maroc], etc. ? Mais aussi quid des partenaires extérieurs de l’Est et du Sud ? Vraies questions. Mais il y a le feu ! Paradoxalement, malgré les apparences récentes, il ne devrait pas y avoir d’opposition insurmontable entre les pays européens de l’Ouest et de l’Est. Qui conteste la nécessité absolue d’une meilleure maîtrise des flux vers l’Europe ? Enfin, n’oublions pas l’éléphant dans la pièce : une alliance plus déterminée et plus assumée partout des démocrates et des musulmans modérés contre l’islamisme aiderait à enrayer le glissement des opinions européennes. Tout cela va s’imposer. Faisons-le plutôt ensemble, vite, et en bon ordre. »Hubert Védrine a été ministre des affaires étrangères dans le gouvernement Jospin de 1997 à 2002. Il a publié « Le Monde au défi » (Fayard, 2016) et « Sauver l’Europe ! » (Liana Levi, 2016)
Bonfils
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La France et l’Angleterre devraient être les deux premiers pays d’Europe à payer pour les conséquences de leur politique colonialiste du début du XXe siècle, à commencer par le drame syrien. Honorer son drapeau soit, mais honorer ses dettes aussi. Et ce passé, qu’on a si longtemps occulté, l’étaler enfin au grand jour, de la Colonisation à la guerre d’Algérie, en passant par Vichy. Présenter ces drames humains avant tout comme un danger d’une montée de l’Islam en Europe pour mieux accréditer les thèses d’extrème-droite est indigne de notre identité chretienne,
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Michel Santo
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Vous oubliez, en vrac, l’Empire Romain, l’ancienne Perse, la Macédoine d’Alexandre, l’empire Ottoman, les conquêtes Arabes, l’Espagne, le Portugal, les Hollandais, les Russes etc…
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Bonfils
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Bonjour, n’y-a-il pas prescription pour ces exemples que vous citez ? Les migrants et réfugiés d’aujourd’hui ne sont-ils pas les victimes de découpages iniques opérés au début du XXe siècle (accords Sykes-Picot pour le Moyen orient) accomplis dans le but d’enrichir les puissances occidentales ? Et tous ces gens à qui l’on a demandé de se battre pour notre drapeau pour ensuite leur refuser l’independance, exception faite du Liban, ne serait-il pas temps de leur présenter nos excuses ? Et les excuses les plus sincères ne seraient-elles pas d’accueillir aujourd’hui les victimes de nos politiques d’hier ?
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Michel Santo
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« Les migrants et réfugiés d’aujourd’hui ne sont-ils pas les victimes de découpages iniques opérés au début du XXe siècle (accords Sykes-Picot pour le Moyen orient) accomplis dans le but d’enrichir les puissances occidentales ? » Sauf que 1) les personnes demandant le droit d’asile venant de ces pays sont une toute petite minorités, et que les plus nombreux venant de l’Afrique sub saharienne, immigrent pour des raisons essentiellement économiques (et donc condammés à être déboutés : l’aternative étant le reour ou la clandesnité) et 2) le découpage en question est la conséquence de l’effondrement de l’empire ottoman auquel appartenait par la force ces « pays », effondrement consécutif à la défaite de cet emmpire allié à l’Allemagne lors de la première guerre mondiale…
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