La flamme et le sablier…

En nous refaisant pour nous-même des images de la cellule du philosophe méditant, nous voyons sur la même table la chandelle et le sablier, deux êtres qui disent le temps humain mais dans des styles combien différents ! La flamme est un sablier qui coule vers le haut. Plus légère qu’un sable qui s’écroule, la flamme construit sa forme, comme si le temps lui-même avait toujours quelque chose à faire.

Flamme et sablier, dans la méditation paisible, expriment la communion du temps léger et du temps lourd. Dans ma rêverie, ils disent la communion du temps d’anima et du temps d’animus. J’aimerais rêver au temps, à la durée qui s’écoule et à la durée qui s’envole, si je pouvais réunir en ma cellule imaginaire la chandelle et le sablier.

Mais pour le sage que j’imagine, la leçon de la flamme est plus grande que la leçon du sable écroulé. La flamme appelle le veilleur à lever les yeux de son in-folio, à quitter le temps des tâches, le temps de la lecture, le temps de la pensée. Dans la flamme même le temps se met à veiller.

Oui, le veilleur devant sa flamme ne lit plus. Il pense à la vie. Il pense à la mort. La flamme est précaire et vaillante. Cette lumière, un souffle l’anéantit; une étincelle la rallume. La flamme est naissance facile et mort facile. Vie et mort peuvent être ici bien juxtaposées […]

La chandelle meurt plus doucement même que l’astre du ciel. La mèche se courbe, la mèche se noircit. La flamme a pris dans l’ombre qui l’enserre son opium. Et la flamme meurt bien: elle meurt en s’endormant.

Gaston Bachelard : La flamme d’une chandelle (Presses universitaires de France, 1961, p. 26-27.)

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