La tache !

   

Ce matin, c’est sur une placette déserte, bien nettoyée et très ensoleillée que j’ai grand ouvert les volets. Seul un petit paquet de papier humide et souillé, grisâtre, gâtait l’ensemble. Une « tache » bien accrochée au sol, qui résistait aux rafales d’un violent vent du « Nord » ; des rafales dont le bruit étouffait tous les autres, du plus proche au plus lointain environnement. Le ciel était aussi d’un beau bleu, sans nuages. Au sud cependant, dense et en grand nombre, ils filaient à toute allure vers la mer. Je jetai un dernier coup d’œil sur cette première image matinale quand mon attention fut attirée sur ma « droite » par deux hommes couverts de la tête aux pieds du même vêtement de travail fluo. Ils poussaient le même conteneur vert sur roulettes et se dirigeaient de l’autre côté de la place, en direction du centre-ville. Une pelle et un balai étaient rangés à l’horizontale sur leurs poubelles mobiles. Ils marchaient « au pas » et semblaient parfaitement synchronisés. Une impression que renforçait leur tenue de service sous l’épaisseur de laquelle était dissimulée leur identité physique. Ils allaient nonchalamment et devisaient comme deux amis, du moins je le pensais, de tout et de rien. La scène prenait alors à mes yeux un caractère quasi cinématographique et je me demandais si ce duo pédestre ne répondait pas, par miracle, à mon désir de voir disparaître dans l’instant cette inesthétique « tâche ». Sans elle, en effet, j’aurais pu rectifier ma première impression pour n’en garder qu’un souvenir heureux, idéal. Je me disais aussi que située sur leur trajectoire, ils ne pouvaient pas la « manquer ». Je me trompais, hélas ! Arrivés à sa hauteur, ils ont poursuivi leur chemin, tandis que la « tache », elle, demeurait et grossissait au rythme de leur éloignement. Quand je ne les vis plus, elle occupait tout l’espace.

     

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