Le cœur simple de Jules Renard.

Di 20.07.2025

On lit Jules Renard pour son ironie sèche, son œil de lynx sur les ridicules du monde littéraire. On le lit pour ses piques, ciselées comme des aphorismes : “Il ne manque à ce comédien que d’être vrai”, ou encore : “Flaubert a de la barbe à l’intérieur”.

Mais on aurait tort de ne voir dans son Journal qu’un recueil d’esprit. Car ce livre, qui court sur plus de vingt ans (1887-1910), est aussi traversé par une émotion souterraine, discrète mais tenace. Il y a là, dans les marges, des pages d’une immense tendresse, presque embarrassée, qu’il réserve à sa famille.

Il écrit sur son père, cet homme dur, taiseux, malmené par la vie, avec une vérité qui n’accuse pas. Lorsqu’il apprend sa maladie, Renard note :

“Je le regarde et je sens bien que, maintenant, c’est un vieillard. Et que nous sommes devenus ses parents.”

Plus tard, après son suicide — un coup de fusil dans la tête — le ton devient presque effacé, pudique. Il écrit simplement :

“Il ne voulait pas être un fardeau.”

Pas un mot de trop. Une pudeur à la française. Ce qui n’est pas dit résonne davantage.

Il y a aussi sa mère, plus présente, plus enveloppante, et ce regard d’enfant qui ne l’a jamais quittée. À un moment, il note :

“Elle arrange ses fleurs comme elle nous peignait, le matin, avec sa salive sur les cheveux.”

On trouve dans ce Journal ce que les meilleurs livres offrent : le mélange de la lucidité et de l’amour. C’est peut-être pour cela qu’il est devenu un classique du genre — parce qu’on y sent battre, sous les pointes sèches et les portraits à l’acide, un cœur un peu cabossé, mais juste.

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