Le Grand Narbonne et la Narbonnaise menacés par l’étalement urbain !
j’ai récemment consacré un billet « aux dindons de la farce Marcorignan » – un collectif qui s’oppose aux projets de construction d’une prison et d’une aire de grand passage à l’entrée de leur village – en soulevant une question qui va bien au-delà de celles posées par les intéressés (je signale au passage qu’une chaîne humaine est prévue le 4 mars, à 16 heures, aux portes de Marcorignan). Ces projets, je les conteste aussi, en effet ; et ce pour des raisons de fond qui tiennent à la politique d’aménagement menée dans cet espace sensible de la narbonnaise. [1]
Cette portion de territoire du Grand Narbonne, de part et d’autre d’une route reliant Narbonne à Marcorignan, à partir du Château de Lebrette, jouit, aujourd’hui encore, en effet, d’un environnement naturel « remarquable », de sorte qu’y réaliser ces lourds équipements prévus, serait, évidemment, créer les premières conditions d’une urbanisation générale de l’ensemble de cette zone, et au delà ! Avec, pour première conséquence, un étalement urbain joignant en un seul ensemble les cités de Narbonne et de Marcorignan. Une tendance, qui a fait dire à un élu, il y a peu, en public, « aux dindons de la farce Marcorignan », que « la limite urbanisée, d’une manière ou d’une autre, de l’agglomération – narbonnaise – se fixera inexorablement au Somail. »
Un point de vue que les maires alentour de Névian, Moussan, Montredon, Saint Marcel, tout en restant « discrets », semblent partager (le nombre et la « direction » de leurs lotissements en témoignent)
Bref ! des positions plus ou moins explicites, qui posent un vrai problème d’aménagement du territoire, à défaut de le résoudre.
Je ne vais pas présenter ici tous les inconvénients – bien connus – de l’étalement urbain et me limiterai donc à celui (d’actualité) de la dégradation des centres-ville au profit des zones périurbaines, et des centres-bourg au profit de lotissements.
Centres où la part des logements vides y est nettement plus élevée que dans leurs couronnes, confirmait début janvier la Fédération nationale de lʼimmobilier (Fnaim). « Les familles ont tendance à quitter les centres-ville et leurs logements souvent exigus et peu pratiques pour avoir maison individuelle et jardin. Ceux qui restent sont les jeunes, les retraités et, de façon plus générale, les pauvres », constate Jean-Claude Driant, professeur à lʼEcole dʼurbanisme de Paris. Une paupérisation des centres qui entraîne des problèmes en cascade, détaille le chercheur Yoan Miot : « Le cadre de vie se dégrade, les marchés immobiliers sont déprimés et les bailleurs sociaux sont très fragilisés. » Tout comme les finances des communes concernées.
Lutter contre cet appauvrissement des centres-ville implique donc de sortir de cet engrenage : lotissements (pavillons)-voitures-zones commerciales (hypermarchés), sans lâcher une seule de ces trois dimensions.
Et que l’on ne me dise pas qu’il y aurait une fatalité à l’étalement urbain et à la paupérisation de ces « centres ». Des outils juridiques existent pour s’y opposer, en effet. Le Scot avignonnais, par exemple, interdit désormais toute extension des zones commerciales en périphérie ; les pouvoirs publics peuvent aussi, légalement, obliger les propriétaires dʼimmeubles dégradés à les rénover, sous peine dʼexpropriation – dans ce cas, les communes peuvent alors devenir propriétaires des murs, rénover, puis tenter de revendre à un investisseur –, ou à rénover leurs façades ; dans certaines villes et agglo des sociétés d’économies mixtes ont élargi leur domaine d’intervention afin de préserver et diversifier le commerce et l’artisanat – elles louent aussi des locaux à des commerçants de proximité, les accompagne au quotidien aussi… – etc.
Contrairement aux autres agglomérations de la côte languedocienne, celle de la Narbonnaise se caractérise par une discontinuité urbaine entre sa ville centre et les petites villes avoisinantes. Un atout, une « valeur ajoutée » environnementale, qui résulte moins, d’ailleurs, de l’action des élus du territoire que des contraintes environnementales naturelles (étangs etc.) ou imposées par l’État (zones inondables ou protégées), qu’il faut préserver, et, pour ce faire, être très rigoureux (contraignant !) sur les autres espaces encore vierges de toute zone et/ou « habitat ».
À l’évidence, sur ces questions, la réflexion des instances du Grand Narbonne (Conseil de développement inclus !) me semble très en deçà de ce qu’il conviendrait de faire… Le temps n’est plus aux aménageurs du territoire. C’est de « ménageurs » (au sens de prendre soin !) dont nous avons besoin… Et de volonté politique !
[1] Cet enjeu me paraît autrement plus important que celui de la création d’un « hameau » sur le site du Capitoul où les aspects idéologiques, dans la critique de ceux qui en contestent l’opportunité, me semblent prendre le pas sur son impact environnemental supposément négatif…
Mots-clefs : Centres-ville, Étalement urbain, Grand Narbonne, Le Somail, Les dindons de la farce, Marcorignan, Montredon, Moussan, Narbonne, Névian, Patrick Vignal, Roger Brunet, Saint Marcel
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camus
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Cette problématique urbanistique me fait penser à la magnifique chanson de Jean Ferrat : Que la montagne est belle . Certes il y évoquait l’exode rural vers les grandes villes mais il y a des points communs . Montpelliérain de naissance , j’ai assisté à l’urbanisation sauvage de tous les villages proches de cette ville . Conséquence , la naissance d’un mégalopole ou tout se touche . Quand on se balade aux alentours de Narbonne , je suis frappé et attristé de voir de magnifiques battisses abandonnées au cœur des villages et en périphérie de hideux lotissements , sans parler des mini-centres commerciaux tout aussi hideux . Dans les années 1950 , on rêvait de formica et de ciné , actuellement , on rêve d’un terrain piscinable (quel horrible mot) . Le parc naturel régional de la Narbonnaise est bel et bien une réalité , protégeons le autant que faire se peut .
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Aubut Claude
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Monsieur Michel Santo bonjour.Ne recevant plus et pour une raison que j’ignore votre message quotidien c’est à moi de faire l’effort (!) de vous retrouver.J’apprécie ce que vous écrivez car c’est toujours plein de bon sens.Bonne journée .
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