Le Mal venait soudain d’entrer dans nos vies…
Mercredi après-midi, je tenais dans mes bras mon arrière-petite-fille, Romy. Six mois déjà ! J’allais d’un arbre à l’autre sur la promenade des Barques. Je prenais sa main et la faisais glisser sur le tronc des platanes ; lui montrait les fourmis qui se cachaient sous leurs écorces. Au pied d’un banc public, des pigeons s’ébattaient et se disputaient un morceau de pain. Elle ne les quittait pas des yeux. Elle me semblait fascinée par cette agitation. Des femmes, surtout, ralentissaient à notre approche.
Des sourires tendresse éclairaient leur visage. L’air était léger. Le monde aussi dans l’instant. Rien ne pesait sur mes épaules. Seul m’importait le bien-être de Romy, l’éveil de son attention aux petites choses de la vie. Un souci mêlé de douceur et de plaisir, physique et mental. Un sentiment d’amour pur et flottant. C’est dans la mémoire encore vivante de ces instants heureux que j’ai appris, le lendemain, ce surgissement démentiel d’un homme armé d’un couteau dans une aire de jeu pour enfants ; sa chasse au milieu des poussettes et des toboggans ; ses coups de poignards sur quatre d’entre eux. Âgés de 22 mois à 3 ans. Dans la ville d’Annecy. Non loin du pont des Amours. Le Mal, soudain, entrait sauvagement dans nos vies. Et la mienne. Il fracassait ce qui hier encore me paraissait protégé du scandale du monde : la pure innocence de très jeunes enfants
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