Le relativisme conduit au pire…
Aujourd’hui, pour Désir et Duflot, nos « Dupont la joie » de la bonne conscience multiculturelle, il faudrait donc s’indigner des propos tenus par Claude Guéant, et résumés par ce titre dans le journal « Le Monde » : « Toutes les civilisations ne se valent pas. ». Titre, partie d’une phrase, qui se développe ainsi : « Celles qui défendent l’humanité nous paraissent plus avancées que celles qui la nient ». « Celles qui défendent la liberté, l’égalité et la fraternité, nous paraissent supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique. » Montage qui illustre de façon éclatante une complicité de fait où s’allient la mauvaise foi mercantile et la basse manœuvre politicienne. Les deux au service d’un relativisme culturel et politique des plus contestable.
A suivre nos deux histrions, si on les comprend bien, à l’inverse, toutes les civilisations se valent et l’ont peu préférer celles qui nient les valeurs et les principes qui fondent la nôtre. La notre qui me semble, au demeurant, et à l’aune des principes politiques qui la caractérise en ce siècle, plus avancée qu’elle ne l’était hier. Ce qui, au passage, démontre que les différents stades de l’évolution d’une civilisation ne se valent pas non plus – la barbarie est toujours présente en leur sein (nous ne développeront pas ici, la place nous manquerait)
Alors, pour en revenir à notre affaire, peu importe qu’il s’agisse de civilisation, de régime ou de système politique, et de Monsieur Guéant. En réalité, cette médiocre polémique qui agite le circus politicus révèle autre chose de plus inquiétant. Porter un jugement de valeur, établir une « hiérarchie » dans quelque domaine que ce soit, est en effet devenu insupportable aux fabricants d’opinion. Dans ce pays, distinguer le moins bon du plus digne serait ainsi la preuve d’un esprit vicieux, pour ne pas dire clairement réactionnaire, voire fasciste…Un état moral symptomatique d’une « passion de l’égalité (Tocqueville) » portée à son comble, qui nous vient de loin et nous distingue des autres peuples. Et qui pose, en postulant que tout se vaut, qu’en réalité rien n’a de valeur. Si une recette de cuisine est une œuvre d’art (J. Lang) et Marc Lévy le Flaubert de ce temps, il ne nous reste plus qu’à incendier nos musées et nos bibliothèques. En toute chose le relativisme conduit au pire. Comme les bons sentiments érigés en absolu conduisent en enfer !
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raynal
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Que dire…? quels qualificatifs trouver devant ces énormités ?
Consternant, affligeant, indigne….
C’est vraiment l’heure de gloire des faux culs…Récupérer ainsi avec une telle mauvaise foi un sentiment qui serait tellement noble s’il n’était pas plaçé dans leur bouche…
Le racisme, la xénophobie…Quel fond de commerce pour tous ces boutiquiers ! Quelle aubaine quand on n’a rien d’autre a dire…
Mais aussi, quelle maladresse de ce ministre qui s’emmele les pinceaux entre civilisation et société…Que n’a t’il lu Valery qui nous disait que toutes les civilisations etaient mortelles, qui a
oublié le temps ou une civilisation, justement, issue des enfants d’Ismael et inspirée par Mahomet etait, et ce pendant de nombreux siècles, la plus prestigieuse et la plus glorieuse du monde
connu, apportant au monde des trésors de connaissances et de sagesse…Que cette civilisation venait a la suite d’autres aussi lumineuses, la Perse, la Grèce, Rome dont le prodigieux
bouillonnement philosophique, scientifique et culturel ne devait rien au Christianisme qui semblerait pour certains la seule référence possible.
Que notre civilisation, elle aussi,evoluera, passera, disparaitra, que rien n’est jamais figé dans l’histoire des hommes, que ces valeurs dont ils sont si penetrés apparaitront, peut etre,
completement obsolètes aux hommes du futur lorsque l’ump ou le ps apparaitront pour ce qu’ils furent…Un agglomérat de dérisoires marionnettes faisant beaucoup de bruit avec leur bouche,
comiquement assurés de leur pérénnité et de leur importance…
Un pet malodorant sur une toile cirée…
Poursuis ton oeuvre de salubrité publique, Michel, c’est bien.
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raynal
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A propos du nivellement que tu évoques, me revient en mémoire cet aphorisme de Nietzsche(tu sais…Le Belzébuth des bien pensants…enfin de ceux qui l’ont lu, c’est a dire très peu)
»Il faut proteger les forts contre les faibles »
J’imagine sans peine les hurlements de fureur…Pensez, pensez, camarades et vous allez voir que…tout comptes faits…hum…Après mures réflexions…ça n’est peut etre pas aussi scandaleux que
ça en a l’air.
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Michel Santo
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Jacques!
Pas mal ce texte de Ferry, que je ne connaissais pas…
Extraits d’un texte de Luc Ferry, publié dans Le Figaro du 9 février 2012.
Toutes les civilisations se valent-elles ? Evidemment non. Est-il scandaleux de le dire ? Pas davantage…
… Les cris d’orfraie poussés par les bien-pensants touchant les propos de Guéant sont d’autant plus ridicules que ces derniers relèvent plus de l’évidence que de la provocation. Je suis prêt à
parier qu’en leur for intérieur, nos éléphants du PS pensent exactement la même chose que lui et ce pour une raison simple : il n’y a en réalité, si du moins l’on accepte de considérer une
seconde le fond des choses, aucun motif, je dis bien aucun, de tenir à priori les civilisations pour équivalentes. Au nom de quoi pourrait-on refuser à quiconque le droit de préférer les traditions
qui ont engendré une grande littérature à celles qui dominent les sociétés sans écriture ? Comment lutter avec ardeur contre l’illettrisme, s’engager de toute son âme pour que nos enfants
découvrent les grands auteurs et tenir pour équivalentes les cultures où elles se sont épanouies et celles qui ignorent jusqu’à leur existence ? Au nom de quoi devrais-je m’abstenir de penser
que les œuvres de Bach ou de Mozart sont intimement plus profondes, plus riches et plus précieuses à tous égards que le tambourin ou le flutiau de ce que Levi-Strauss appelle les
« sociétés sauvages » ? Un tel jugement de valeur n’implique nulle xénophobie, pas davantage la moindre volonté colonisatrice ou impérialiste, simplement l’expression d’un
choix dont on voit mal au nom de quelle morale débile il devrit être interdit.
Il en va évidemment de même sur le plan politique : oui, là encore et sans la moindre hésitation, je préfère mille fois une civilisation qui a engendré la démocratie, l’égalité entre hommes et
femmes, les Lumières, le rationalisme scientifique, la peinture hollandaise et les droits de l’homme à une civilisation qui les ignore ou qui les nie. On objecte que c’est là confondre civilisation
et régime politique, mais l’argument est spécieux : de toute évidence, les deux sont inséparables…
…Comme l’écrit André Comte-Sponville, qu’on ne soupçonnera pas de rouler pour le Front National, dans ce passage d’un article dont je fais cadeau à Claude Guéant pour sa défense :
« Toutes les civilisations ne se valent pas, ni tout dans chacune d’elles…Disons- le donc tranquillement : de notre point de vue, non d’Européens mais de démocrates, une civilisation
qui respecte les droits de l’homme est supérieure à une civilisation qui ne les respecte pas. Une civilisation qui prône l’égalité des sexes est supérieure à une civilisation qui veut maintenir les
femmes en situation d’infériorité et d’oppression. Une civilisation laïque qui protège la liberté de croyance et d’incroyance est supérieure à une civilisation intégriste… »(Le Goût de
vivre, Albin Michel, p.292).
Voilà, c’est dit, et par un des plus éminents penseurs se réclamant aujourd’hui de la gauche. Alors qu’y a-t-il en réalité derrière toute cette effervescence proprement stupide ? La volonté
chez notre ministre de l’Intérieur, de draguer le FN ? Si c’est le cas, c’est une erreur, car l’original sera toujours supérieur à la copie. La vérité, c’est qu’à l’ombre des cris d’orfraie,
c’est une vieille haine de soi qui prospère, le « sanglot » de cet « homme blanc » dont parlait Pascal Bruckner, qui ne parvient toujours pas à éprouver la
moindre fierté d’appartenir à une Europe qui, pourtant, eut le génie de développer une civilisation laïque de liberté et de bien-être à nulle autre pareille. Pour combien de temps, encore, si nous
n’y croyons plus nous-mêmes ?
Luc Ferry
Texte complet dans Le Figaro du Jeudi 9 février 2012
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