Lecture : « La Péremption », de Nicolas Fargues.

Ve.8.12.2023

Zélie a 50 ans – l’âge de Nicolas Fargues ! Elle est professeur d’arts plastiques dans un collège de la banlieue parisienne. Un monde d’adolescents : « hermétiques aux temps morts, au silence, aux conjonctions de subordination et aux textes de plus de six lignes » dans lequel elle se sent complétement étrangère. Elle est aussi une artiste-peintre qui eut l’attention de quelques galeristes et de critiques d’Art Press avant de tomber dans un irréversible anonymat. Aussi, profite-t-elle de la vente de l’appartement de sa mère, pour démissionner de l’éducation nationale. « Que nous restait-il d’indiscutablement commun, à eux et à moi ? En dehors des besoins physiologiques et des fonctions corporelles de base, je ne voyais pas trop. »
Zélie se voit et se pense comme une femme moderne et encore belle. Elle est divorcée depuis plusieurs années d’Alessandro, avec lequel elle a eu un enfant, Furio : la vingtaine, militant homosexuel dans une association LGBT et vendeur dans une boutique Sonia Rykiel. « Avec Furio, ma règle était simple : ne pas aborder les sujets qui m’intéressaient. » Tout en faisant des efforts aussi vains que ridicules pour s’intéresser à lui. Comme dans cette scène où Furio est en compagnie de militants LGBT : « […] elle va voir l’un d’entre eux et elle lui parle d’Hervé Guibert. Et là, le gars lève les yeux au ciel et elle dit C’est comme si elle lui avait parlé d’André Rieux. »
Contrairement à son ex-mari, Zélie ne se met pas en colère contre « une société perméable comme jamais au matérialisme, à l’infantilisme, et à la vulgarité. » Son problème est qu’elle n’a jamais su prendre parti « La revendication chez moi sonne aussi faux que l’exultation. Voter, chez moi, n’a jamais été affaire de conviction. »
Lors d’une soirée chez un ami, elle va rencontrer un jeune homme d’origine congolaise de vingt ans son cadet, un certain Shock, Séraphin pour l’état civil, né à Bukavu. Il dit travailler dans le design, la mode, l’événementiel, la restauration. Zélie aime que cet homme s’exprime avec une précision qui contraste avec son air « petit peuple ». Il a « l’élocution chantante, regard exagérément inquisiteur, zygomatiques en fête ». Le charme de Shock opère dangereusement, se dit-elle. Elle est flattée. Il devient son amant. Elle ne sait pas bien pourquoi elle l’intéresse, mais elle n’a plus vraiment le temps de se poser des questions… Ils finiront par partir ensemble en voyage au Congo, dans la famille de Shock. Qui conclura pathétiquement leur relation.
Nicolas Fargues est un des rares auteurs que je lis toujours avec autant de plaisir. Il est brillant et d’une grande élégance dans l’observation critique de nos mœurs. Son style est précis, limpide. Avec, comme dans ce dernier livre, très drôle, une touche de mélancolie. Qu’on ne quitte pas sans revenir sur certaines pages. Comme celle-ci : « C’est cela, vieillir : s’étonner un peu moins chaque jour du caractère banal de nos particularités. Admettre n’être exceptionnelle en rien, destinée à mourir dans un anonymat de personne normale, comme tout le monde. Et sans que cela ne change rien au cours des choses du monde. »

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