L’inondation de Zamiatine : un tourbillon d’émotions.

Il était dans un coin de ma cabane. Parmi d’autres livres attendant d’être lus. L’inondation est un très court roman, moins de soixante pages, de Evgueni Zamiatine. Son dernier texte publié – en 1929 – avant l’exil.

C’est l’histoire d’une femme, Sophia. Elle vit dans un monde gris, étroit, saturé d’odeurs, de pluie, de suie. L’eau est partout : dans les caniveaux, les caves, les murs. Elle gonfle, monte, et finit par tout engloutir. Pas seulement la ville. Les vies aussi.
Le livre est court, mais lourd comme un bloc de fonte. Chaque phrase coupe. Pas un mot de trop. Zamiatine ne raconte pas, il déchire. Sous la banalité d’une maison, d’un repas, d’un geste, il met le doigt sur la faille.
L’inondation, c’est le dehors qui déborde, mais surtout le dedans qui lâche.
Il y a l’amour, ou ce qui en tient lieu. La jalousie, qui prend racine dans le silence. La solitude, qui se glisse même entre deux corps qui dorment ensemble. Et cette fatalité russe, ce pas lent qui mène droit vers la tragédie, comme si l’issue était connue dès le départ.
On lit L’inondation comme on marcherait dans une rue inondée. Chaque pas soulève une eau trouble où flottent des choses qu’on aurait préféré ne pas voir.
Lisez donc ce grand petit livre. Un chef d’œuvre méconnu.

L’inondation : Evgueni Zamiatine. Actes Sud. Février 2024. 6€

Mots-clefs : , ,

Articles récents

En savoir plus sur Contre-Regards

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading