L’ombre monte…

Di.30.6.2024

« Je le sais, tout le monde n’aime pas mes vers. Leur sérénité déplaît aux lecteurs avides de grands cris, de beaux mouvements, d’images surprenantes. Ils me prennent pour un esprit posé, un peu froid, quelques-uns disent un insensible. C’est que je m’efforce de ne pas trop dramatiser. C’est là ce qui est difficile. C’est difficile, car le drame est latent dans les moindres choses ; les moindres spectacles de la rue en sont gros : le chien qui passe, la persienne qui grince, l’aveugle qui va tâtonnant le long des murs… C’est contre cela que j’essaie de me défendre. Je me défends tant que je peux. Autrement, il est clair que je tomberais dans l’apitoiement. Et de là à verser dans un état plus pénible encore, à ne plus distinguer le vrai du faux, l’or de ce qui lui ressemble, la beauté de ce qui la singe… Non, je ne veux pas courir ce danger. […]

Le long des noirs volets de bois et des murs ternes,

L’ombre monte…

Oui, cela devrait suffire, tout est là, ces derniers mots devraient suffire à faire comprendre à qui les lira l’émotion qui chaque soir m’attend au haut de ce balcon perdu, lorsque je me penche sur la rue profonde, essayant de déchiffrer ces autres ombres que dessinent, derrière chaque fenêtre, les simples gestes des hommes. »

Paul Gadenne. La rue profonde. Ed Le Tout sur le Tout. 1982. Pages 15.16 et 25.

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Commentaires (1)

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    Joan

    |

    C’est bien au moment ou  » L’ombre monte  » que la lumière ne doit pas abdiquer .
    Enfin ! … Il me semble …

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