Ma route du sel…

Lu 20.1.2025

Souvenirs.

Dans Le Roi du Sel, Joë Bousquet nous plonge dans l’univers de contes languedociens aux personnages fantastiques et fantasques vivant dans un village imaginaire : à Saint Souris, au milieu d’une nature sauvage et lumineuse de lagunes et de de joncs battue par le vent. C’est aussi une plongée dans ses souvenirs d’enfance, lorsqu’il retrouvait, pendant les vacances, ses grands-parents et son frère (son cousin, en fait) dans le village de La Palme. Dans les miens également quand, l’été venu, nous prenions avec nos parents la micheline pour nous rendre à Port la Nouvelle. De la gare, nous allions à pied jusqu’à la plage, chargés du déjeuner, de cannes à pêche et de toutes sortes d’affaires. Deux kilomètres nous séparaient de la mer, deux kilomètres sous un soleil impitoyable ; deux kilomètres qui effaçaient le bonheur de l’heure passée le nez collé contre les vitres de la micheline à s’émerveiller des paysages de lagunes et de vignes traversés aux rythmes lents et moelleux du petit train rouge.

Extraits du prologue :

Le train s’est arrêté au bord de la mer, devant une baraque entourée de tamaris qui semble le rendez-vous des eaux et des vents.

Cette halte ne voit pas le village, mais un bout de sentier en cherche la route entre des joncs et des roseaux qui montent plus haut que les pins.

Pas plus que la voie ferrée, l’artère départementale ne mène à Saint-Souris. Détournée de la gare, elle ignore aussi la bourgade qui, du pied de la montagne, lui expédie un plat chemin que ses maisons ne suivent pas loin. À l’embranchement, deux constructions isolées tournent leurs fenêtres vers le village dont elles ne voient que le clocher, avec son horloge : un ancien caboulot où un crime a été commis ; une usine rouillée où s’amoncelle le romarin qu’on y traitait naguère et qui mêle à l’odeur du sel et de l’anguille le soleil évanoui des herbes distillées.

Le vent d’ouest a fait ce pays : il en a dissipé l’humus ; aux habitants qu’il parquait contre la colline a abandonné quelques étangs taris, payant leur minime labeur avec la vendange de ces terres pleurées.

Ces fils de marins enterrent leurs morts au « faîte de la colline, face à l’extrême horizon. Leurs demeures sont bâties de roches noires, marbrées de lueurs qu’il faut arracher aux veines du calcaire. Ils édifient eux-mêmes les murs de pierres sèches qui séparent leurs jardinets où chaque vigneron surveille un laurier-rose : le soleil qui épanouit cette fleur marque la date des labours […]

Redoutant la fumée autant que la mer, ils ont relégué la voie ferrée au bord des vagues, sur le rivage le plus lointain des étangs, une lagune qu’un raz de marée déplace quelquefois ou allège de quelques voyageurs […]

Un paysage plat comme l’eau : tout s’y étale, tout y est caché. De très loin, on voit l’heure du clocher de cette bourgade qu’on ne voit pas. Les chemins se démêlent sous les pieds du passant, s’effacent derrière lui : il faut les yeux d’un oiseau pour le suivre jusqu’à la route. Après, celui qui veut quitter le pays marche une heure avec les arbres, se jette enfin au milieu des joncs et droit vers la mer où la gare siffle, haute, aveugle, comme un phare mort.

Pages 3 et 4 : Ebook Bibliothèque Numérique Romande.

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