Article publié dans l’Indépendant du 11 août 2006
Michel Py exprime son amertume dans l’Indépendant du 2O juillet. Comme je le comprends! Après le refus de la communauté des communes Corbières en Méditerranée de fusionner avec la communauté d’agglomération de la Narbonnaise, il va devoir en effet cohabiter avec des élus, pendant je ne sais combien d’années encore, au sein d’une structure dont les réalisations ne sautent pas aux yeux des observateurs attentifs de la vie politique audoise.
Avant tout conçue pour aménager et développer son territoire, cette communauté de communes n’a fait, en réalité, que reprendre les activités du syndicat intercommunal qui lui préexistait : la collecte des déchets et un peu de social. Ne soyons pas trop injuste et notons tout de même à son actif la mise en place récente d’un schéma des transports et la création… d’un chenil ( !). Ce qui, chacun pourra aisément en convenir, ne peut-être considéré comme un investissement majeur préparant l’avenir de ce territoire…
Mais pouvait-il en être autrement ? Je ne le pense sincèrement pas! Groupement de communes essentiellement défensif : la « peur », mêlée « d’envie », de Narbonne instrumentalisée par certains élus, et quasiment sans ressources : la taxe professionnelle est restée aux communes, et à Port La Nouvelle surtout, cette communauté de communes était forcément condamnée à l’inaction. Sans moyens financiers à la hauteur de ses missions, sans compétences techniques et sans frontières claires sur ce qui relève, dans les compétences transférées, de l’intérêt communautaire, que pouvait elle faire, en effet !
Dans ce contexte, une majorité, gauche droite confondue, s’est finalement constituée pour sacrifier les vrais enjeux de cette fusion avec la C.A.N au « profit » de tout petits calculs politiques et personnels. Que cela puisse servir à de petites manœuvres électorales, on peut facilement en convenir. Mais certainement pas à l’intérêt des Corbières maritimes, en particulier, et à celui de la Narbonnaise, en général.
Quel est l’argument des opposants à la fusion. Et le seul argument d’ailleurs, puisque la pertinence du périmètre ne semble poser problème. Trop tôt… affirment-ils : « on verra en 2008 !» Ce qui veut dire en réalité 2009/2010, pour, à ce moment là, nous expliquer que « les élections régionales approchant… il est encore trop tôt ! » Non, tout cela n’est pas très sérieux et ne peut masquer la séculière et tenace tentation du repli sur soi communal et cantonal de certains de nos élus locaux.
J’ajoute que cette position est d’autant plus intenable que les conditions juridiques et politiques de la fusion comme les compétences techniques disponibles à la communauté d’Agglomération de la Narbonnaise rendaient l’opération faisable d’ici la fin de l’année. Ce qui lui donnait un an et demi de gestion avant les prochaines municipales. Pas de quoi donc perturber les conditions du jeu électoral municipal en 2008…
Pendant ce temps nos voisins de Perpignan et de Béziers, eux, consolident voire développent leur compétitivité institutionnelle. Chacune des deux agglomérations pèse dorénavant 100 000 habitants avec des territoires qui leur ont permis d’obtenir des gains fiscaux et organisationnels que nous aurions pu égaler par la fusion de la C.A.N et de la communauté de communes Corbières en Méditerranée. Dans cette affaire, en effet, c’est l’ensemble de la Narbonnaise qui se trouve affaiblie. Et au plus mauvais moment !
Plus mauvais moment, car, dans les mois qui viennent, va se négocier le prochain contrat Etat-Région 2007-2013.Que sera le poids de Corbières en Méditerranée dans ce débat face à l’Etat, la Région et le Département? La réponse est évidente, comme est évidente la force qu’aurait représenté une seule intercommunalité de la Narbonnaise de 100 000 habitants environ avec sa dynamique démographique et économique, ses entreprises et ses infrastructures. Rassemblant le tiers des habitants de l’Aude, l’ensemble des communes du littoral audois, et dotée d’une économie de loin la plus dynamique de ce département, nous aurions tout simplement assisté à la naissance de la première force départementale.
Non pas une force pour s’opposer, mais une force pour organiser, négocier et investir dans une relation contractuelle plus équilibrée avec notamment la Région et le Département.
Prenons un seul exemple, celui du port de Port la Nouvelle. Qui peut, sans craindre le ridicule, affirmer que la communauté de communes Corbières en Méditerranée est à même de négocier avec G. Frêche, l’Europe et l’Etat les investissements nécessaires à l’avenir de ce port ? De quelles contreparties dispose-t-elle ? Sans être le secret des dieux, je suis pour ma part convaincu que le Président de la Région aurait préféré un interlocuteur institutionnel plus solide. Je profite ici de l’occasion pour ouvrir une petite parenthèse et signaler que, dans la même logique et pour les mêmes raisons, je regrette que le projet de Communauté urbaine associant Montpellier et Sète n’ait pu aboutir… Mais là n’est pas mon propos, j’y reviendrai à l’occasion.
La question qu’on peut dès lors se poser est celle de savoir si les élus à l’origine de cet échec avaient pris la mesure des véritables enjeux de ce projet de fusion ? Par charité j’aurais tendance à en douter, mais la raison me conduit hélas à penser le contraire. C’est un rendez-vous avec l’histoire de notre région qui a été délibérément manqué. Un rendez-vous aussi avec l’esprit de volonté et de responsabilité… Celui qui place l’intérêt général au dessus des querelles de personnes ou de partis.