Pages d’auteurs : Flaubert sur la Beauté, l’Art…
Lettres à Louise Colet : Extraits sur la Beauté, l’Art« Si le sentiment de l’insuffisance humaine, du néant de la vie venait à périr (ce qui serait la conséquence de leur hypothèse), nous serions plus bêtes que les oiseaux, qui au moins perchent sur les arbres. – L’âme dort, maintenant, ivre de paroles entendues. Mais elle aura un réveil frénétique où elle se livrera à des joies d’affranchi, car elle n’aura plus autour d’elle rien pour la gêner, ni gouvernement, ni religion, pas une formule quelconque. Les républicains de toute nuance me paraissent les pédagogues les plus sauvages du monde, eux qui rêvent des organisations, des législations, une société comme un couvent. Je crois au contraire que les règles de tout s’en vont, que les barrières se renversent, que la terre se nivelle. Cette grande confusion amènera peut-être la Liberté. – L’art, qui devance toujours, a du moins suivi cette marche. Quelle est la poétique qui soit debout maintenant ? La plastique même devient de plus en plus presque impossible, avec nos langues circonscrites et précises et nos idées vagues, mêlées, insaisissables. – Tout ce que nous pouvons faire, c’est donc, à force d’habileté, de serrer plus raide les cordes de la guitare tant de fois raclées, et d’être surtout des virtuoses, puisque la naïveté à notre époque est une chimère. Avec cela le pittoresque s’en va presque du monde. La Poésie ne mourra pas, cependant. – Mais quelle sera celle des choses de l’avenir ? Je ne la vois guère. Qui sait ? La Beauté deviendra peut-être un sentiment inutile à l’humanité. Et l’art sera quelque chose qui tiendra le milieu entre l’algèbre et la musique ? […] Page 250
« Chacun, pour être bien habillé, doit s’habiller quant à lui ! C’est toujours la même question, celle des Poétiques : chaque œuvre à faire à sa poétique en soi, qu’il faut trouver. Je démolirais donc cette idée d’une mode générale. Je m’acharnerais aux chapeaux tuyaux de poêle, aux robes de chambre à palmes, aux bonnets grecs à fleurs. –J’effraierais le bourgeois et la bourgeoise. […] Page 645
« J’ai souffert beaucoup de ces riens, dont un homme ne doit pas parler. Ainsi il y a des ameublements, des costumes, des couleurs d’habits, des profils de chaises, des bordures de rideaux, qui me font mal. Je n’ai jamais vu, dans un théâtre, les coiffures des femmes dites en toilette sans avoir envie de vomir, à cause de toute la colle de poisson qui plaque leurs bandeaux, etc., et la vue des acteurs, qui ont quand-même des gants Jouvin, suffit à me faire détester l’Opéra ! Quels imbéciles ! et l’expression de la main, que devient-elle avec un gant ? Imaginez-vous une statue gantée ! tout doit parler dans les formes, et il faut qu’on voie toujours le plus possible d’âme. » Page 720
Extraits de Correspondance – Série 2 (1889) Flaubert, Gustave (1821-1880) « G. CHARPENTIER ET Cie, ÉDITEURS. 1889 (disponible en version numérique : Epub sur le site Gallica.
Mots-clefs : Aphrodite, Art, Beauté, Claude Lévêque, Flaubert, Louise Colet
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Polo
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Irons nous jusqu’a oublier le nombre d’or?
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