Ce matin, j’ai commencé ma randonnée matinale par le tour de l’étang des Ayguades pour ensuite filer droit le long des plages jusqu’à Saint Pierre la mer. Je l’ai commencé aussi avec cette première image d’un homme grattant à mains nues le fond de ce plan d’eau calme et plat. Image qui m’a au sens propre du mot saisi. La veille au soir en effet je m’étais arrêté sur un texte de Flaubert qui semblait l’anticiper. Il est vrai que la vie est souvent faite de ces hasards, songeais-je. Hasards heureux qui confondent souvenirs de lecture et scènes du quotidien. Et hasards tellement ambigus d’ailleurs, qu’on ne sait plus très bien qui, du texte conservé en mémoire ou de l’image apparue plus tard dans le cours de la vie, anticipe ou précède son apparition – dans l’ordre de la pensée en tout cas. Ainsi, pour en revenir à ma petite histoire, Gustave Flaubert, que je lisais hier soir, n’écrivait-il pas à Louise Colet, le 7 octobre 1846 : « Moi je suis l’obscur patient pêcheur de perles qui plonge dans les bas-fonds et qui revient les mains vides et la face bleuie. Une attraction fatale m’attire dans les abîmes de la pensée, au fond de ces gouffres intérieurs qui ne tarissent jamais pour les forts. Je passerai ma vie à regarder l’Océan de l’Art où les autres naviguent ou combattent, et je m’amuserai parfois à aller chercher au fond de l’eau des coquilles vertes ou jaunes dont personne ne voudra; aussi je les garderai pour moi seul et j’en tapisserai ma cabane. » Mon pêcheur n’était pas de perles, certes, mais je venais de quitter ma cabane quand je l’ai vu plonger ses mains dans les bas-fonds d’un étang. C’était un mercredi matin d’octobre. En 1846 !…
Lettres à Louise Colet : Extraits sur la Beauté, l’Art
« Si le sentiment de l’insuffisance humaine, du néant de la vie venait à périr (ce qui serait la conséquence de leur hypothèse), nous serions plus bêtes que les oiseaux, qui au moins perchent sur les arbres. – L’âme dort, maintenant, ivre de paroles entendues. Mais elle aura un réveil frénétique où elle se livrera à des joies d’affranchi, car elle n’aura plus autour d’elle rien pour la gêner, ni gouvernement, ni religion, pas une formule quelconque. Les républicains de toute nuance me paraissent les pédagogues les plus sauvages du monde, eux qui rêvent des organisations, des législations, une société comme un couvent.
Ce matin, dans les « Matins de France Culture », le préposé à la revue de presse (1), Nicolas Martin, nous a sorti son dictionnaire des idées reçues pour se gausser des éditorialistes de la presse écrite, nombreux, qui auraient, selon lui, l’outrecuidance de signaler, avec plus ou moins de condescendance, l’essoufflement « d’un mouvement social », selon eux bien mignon, mais ne servant pas à grand-chose, pour ne pas dire à rien.
Joseph est le nouveau roman de Marie-Hélène Lafon, après L’Annonce (2009) et Les Pays (2012). Joseph est l’histoire d’un ouvrier agricole, dans une ferme du Cantal. L’histoire aussi d’un monde qui se meurt. Le monde de la « petite » paysannerie de montagne, de ses travaux, de son isolement , de ses silences. Un monde dur à la peine, que quittent les enfants aussitôt nés à l’âge adulte pour s’en aller, gagner leur vie à la ville et fonder maison et famille. Comme Michel, le frère jumeau de Joseph. Joseph qui ne quittera jamais les frontières de son canton que pour y mourir avec pour seul avoir une valise et son nécessaire pour ses obsèques. Depuis toujours, Joseph loge chez ses patrons. C’est un doux Joseph! Il aime les bêtes et l’odeur des étables; il se tient à sa place.