Présidentielle 2017 : et si le PS cessait de se mentir ? | Arnaud Leparmentier.

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La chronique complète d’Arnaud Leparmentier parue dans le Monde (La Matinale édition « abonnés ») de ce jour. Impeccable ! Rien à ajouter, ni à retrancher…

A dix jours de la primaire à gauche, petit vade-mecum à destination des socialistes français pour éviter les futures amertumes.

C’est le charme des campagnes électorales, le temps des promesses européennes qui rendent leur fierté aux militants socialistes. Ecoutons Arnaud Montebourg, qui proclamait dès septembre sur France 2 : « Il va falloir aller casser un peu de vaisselle à Bruxelles… Ça suffit l’austérité ! » A chaque socialiste, son coup de menton – « Il faut parler franchement à l’Allemagne » de Manuel Valls, ou encore la dénonciation par Benoît Hamon de « l’accord mortifère » entre les conservateurs et la social-démocratie qui conduit au « désenchantement démocratique en Europe ».

Las, le désenchantement se trouve à chaque fois être… socialiste. Le rêve de changer l’ordre établi, porté par Mitterrand, Jospin puis Hollande, se transforme en douloureux rappel à la réalité, avec le virage de la rigueur (1983), la signature du traité d’Amsterdam (1997) et la ratification du Pacte budgétaire européen (2012), intervenu après les déchirures du référendum sur la Constitution européenne (2005).

Assumer le réel

A l’approche de la primaire, permettons-nous donc de dresser un petit vade-mecum à destination des socialistes français pour éviter les futures amertumes.

D’abord, assumer le réel. La petite musique sur la démondialisation, qui s’explique par le recul relatif de l’industrie dans le PIB mondial et la hausse des coûts chinois, laisse croire qu’il existe une voie à la fermeture : elle est illusoire. De même, rien ne sert de se lamenter sur l’élargissement de 2004 qui était une nécessité vitale : sans lui, l’Europe de l’Est serait aujourd’hui une grande Ukraine. En dépit des difficultés, la seule voie qui vaille est de poursuivre le rattrapage économique de ces pays. Enfin, l’Allemagne est au cœur de l’Europe, peuplée de 82 millions d’habitants.

Seconde recommandation, cesser de se discréditer en combattant des chimères. Comment peut-on encore dénoncer le traité de Maastricht avec un accent guttural et conspuer l’austérité imposée par Bruxelles, alors que la limite de déficit budgétaire (3 % du PIB) n’a jamais été respectée depuis dix ans et donc jamais imposée ? Qui peut sérieusement critiquer la Banque centrale européenne (BCE) qui ne combattrait que l’inflation, alors que Mario Draghi a imposé des taux d’intérêt négatifs et fait marcher la planche à billets pour tenir l’économie à bout de bras. Enfin, qui peut prétendre que l’Europe est ouverte à tous vents, alors que la zone euro dispose d’un excédent extérieur de… 350 milliards d’euros ?

La France, figure de contre-modèle

Troisième exigence, ne pas se mentir sur ce que l’on souhaite. Les Français répètent en chœur gouvernement économique et Europe sociale. Mais ils omettent le sous-texte : à condition que la France décide seule en dernier ressort ou impose ses normes. Un Parlement de la zone euro est sans doute une idée louable, mais qui est prêt à voir les décisions budgétaires de la zone euro prises à la majorité ? L’affaire est encore plus sensible en matière sociale où la France fait figure de contre-modèle.

Ici vient la quatrième nécessité, être lucide sur soi-même pour ne pas se disqualifier vis-à-vis d’autrui. On peut difficilement faire la leçon quand on est champion des impôts et des dépenses publiques et frappé d’un chômage endémique. Cela n’empêche pas d’avoir raison sur le fond, sur des sujets comme la nécessaire harmonisation de la fiscalité des entreprises ou une protection sociale minimale.

Pendant des années, la concurrence fiscale et sociale a été souhaitée par Bruxelles pour forcer la France et l’Allemagne à réformer leur Etat social. La crise de 2008 et la montée des émergents a changé la donne, désormais plus propice à l’harmonisation qu’à la concurrence. Mais proposer un revenu minimal, comme le font Valls et Hamon, équivalant à 60 % du salaire médian, est au minimum maladroit : ce chiffre, qui correspond comme par hasard à la réalité française, est parmi les plus élevés d’Europe. Nul n’achètera l’idée, à ce niveau, c’est néfaste pour l’emploi, et tous les responsables politiques le savent, qui contournent cette difficulté en multipliant les allégements de charges.

Berlin, le seul partenaire

Enfin, la gauche ne doit pas céder aux sirènes de l’Europe rose et de l’Europe latine. L’Europe rose a failli à la fin du siècle dernier, la France et l’Italie de Lionel Jospin et de Massimo D’Alema étant incapables de s’entendre avec les apôtres de la troisième voie, le Britannique Tony Blair et l’Allemand Gerhard Schröder. François Hollande, lui, chercha à coaliser sans succès l’Europe du Sud après son élection. L’affaire est impossible et surtout un contresens stratégique : l’Europe est faite pour rapprocher la France de son trop puissant voisin, l’Allemagne.

Le seul partenaire, c’est donc Berlin, quoi qu’espèrent les Montebourg et Mélenchon. Pis, l’alliance avec les chrétiens-démocrates d’Angela Merkel, successeurs des grands Européens Konrad Adenauer et Helmut Kohl, est structurellement plus facile qu’avec les sociaux-démocrates, plus germanocentrés. L’Elysée l’a encore expérimenté à l’automne : l’Europe de la défense n’a pu être relancée que parce qu’Angela Merkel a imposé ses vues à ses ministres sociaux-démocrates, Frank-Walter Steinmeier (affaires étrangères) et Sigmar Gabriel (économie).

Enfin, pour y parvenir, il faut sortir du jeu perdant-perdant dans lequel se complaisent Paris et Berlin depuis des années. Les Français dénoncent les défauts de leurs partenaires allemands (excédent commercial destructeur, lâcheté en politique étrangère, cavalier seul systématique, qu’il s’agisse de politique énergétique ou sur les migrations) pour cacher leurs propres turpitudes – absence de réformes, refus de toute supranationalité, médiocrité conceptuelle. Et pour gagner la confiance de l’autre, chacun doit, si l’on peut oser ce paradoxe, faire le premier pas.

 

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