Scène de la vie narbonnaise en confinement : « Je suis en République, Monsieur ! »
Je ne vois qu’eux depuis que nous sommes confinés. Ils sortent matin et soir aux mêmes heures. On les dirait conduits par d’impérieux besoins. Reconnaissables entre tous, ils marchent à pas lents, pour les plus âgés, autour de mon pâté de maisons ; marquent une pause tous les dix mètres, regardent à droite et gauche, devant et derrière, comme s’ils craignaient d’être épiés ; repartent ensuite et font les mêmes pas, les mêmes gestes pour enfin communier avec leurs chiens qui, sur le trottoir, au pied d’un arbre ou sur le gazon fraîchement étalé, y pissent ou y chient abondamment. Ce qui remplit leurs maîtres d’une joie contenue ; mais qu’on devine aisément à des gestes disons attendrissants. Tous les jours ceux-là donc sortent et suivent ce rituel domestique ; et, en toute bonne conscience, garnissent l’espace public des puantes déjections de leurs plus ou moins gros et plus ou moins adorables toutous. L’un deux, à mes remarques, pourtant l’autre jour poliment exprimées, m’a vertement répondu : « Je suis en République, Monsieur !». C’est vrai, nos ancêtres ont fait la Révolution pour cette engeance là aussi. Hélas !
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