Scène de la vie narbonnaise : J’ai rencontré le videur de la boîte à livres du jardin de la Révolution…

   

Lundi dernier, je me suis arrêté comme je le fais habituellement lors de mes longues promenades urbaines, devant la boîte à livres du Jardin de la Révolution. Une bonne âme l’avait heureusement débarrassée des nombreuses brochures et des traités de droit qu’y déposent régulièrement les membres de diverses sectes évangélistes et, sans doute, un clerc de notaire zélé à présent bourgeoisement installé, pour la garnir, dans sa totalité, d’ouvrages de différents formats, en bons états, et, de plus, correctement rangés.

Curieux, je feuilletais distraitement — je dirais plutôt par réflexe — un livre de poche pris au hasard, quand un individu, que je n’avais pas vu venir, s’est collé à mon épaule, pour me signifier, dans ce langage corporel — et dans ce genre de situation — propre aux mufles de son espèce, que je devais sortir de l’espace qui nous séparait de ladite boîte, pour lui en laisser seul la jouissance. Ce que je fis, moins pour lui obéir et satisfaire sa grossière exigence, que pour pouvoir l’observer tout à mon aise. La trentaine, peut-être ; grand et carré en proportion ; correctement habillé ;  le visage  bien borné par d’imposantes oreilles ; rasé de près et coiffé tout autant ; des Nike aux pieds, blanches et propres ; c’est surtout son regard sombre, plat et vide, sous d’épais sourcils noirs,  où brillaient — façon de parler — les pâles lueurs d’un esprit restreint et comprimé, qui me mit mal à l’aise. Le temps d’en saisir quelques brumeux reflets, l’importun s’emparait en trois grandes brassées de la totalité des livres pour les jeter dans un grand sac en plastique — de ceux que l’on vend aux caisses des grandes surfaces. Je lui demandai sur le coup, courtoisement, s’il avait l’intention de tout lire, et n’eus droit pour toute et définitive réponse qu’à un sourire béat sortie de sa bouche sans lèvres. S’ensuivit un  demi tour de caserne qui le mit promptement en route vers la sortie du jardin, pour s’élancer ensuite en direction du Palais de Justice. Une dame, un peu plus loin, témoin de la scène, s’est approchée. Nous sommes restés là,  quelques minutes, sans voix, devant cette  « boîte » offerte aux lecteurs curieux, désormais nue, dépouillée… profanée. J’avais presque oublié que j’avais encore entre mes mains un des livres qu’elle contenait avant d’être ainsi pillée : « Les Nouvelles Exemplaires » de Cervantes ; que je remis consciencieusement à sa place. Puis quittai enfin les lieux, affligé…

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Commentaires (2)

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    Brigitte

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    Vraiment gonflé .et ça arrive souvent….

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    Didier

    |

    A cause de Blanquer qui souhaite laisser une plus grande place à la lecture

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