Articles marqués avec ‘Chardonne’

𝐋𝐞 𝐃𝐞́𝐣𝐞𝐮𝐧𝐞𝐫 𝐝𝐞𝐬 𝐛𝐚𝐫𝐫𝐢𝐜𝐚𝐝𝐞𝐬 : 𝐮𝐧 𝐩𝐚𝐥𝐚𝐜𝐞 𝐞𝐧 𝐫𝐞́𝐯𝐨𝐥𝐮𝐭𝐢𝐨𝐧, 𝐮𝐧𝐞 𝐬𝐚𝐭𝐢𝐫𝐞 𝐞𝐧 𝐨𝐫.

Ai sorti de ma bibliothèque Kindle 𝑳𝒆 𝒅𝒆́𝒋𝒆𝒖𝒏𝒆𝒓 𝒅𝒆𝒔 𝒃𝒂𝒓𝒓𝒊𝒄𝒂𝒅𝒆𝒔, 𝒅𝒆 𝑷𝒂𝒖𝒍𝒊𝒏𝒆 𝑫𝒓𝒆𝒚𝒇𝒖𝒔. Je le dévore, et je ris. Rarement un roman m’a paru aussi vif, aussi cruel et délicieux à la fois.

Le décor : le Meurice, palace parisien en plein mai 68. La hiérarchie s’effondre, le personnel s’essaie à l’autogestion, et Florence Gould tente désespérément de maintenir son déjeuner littéraire du prix Roger Nimier pour le remettre, au milieu du chaos, au lauréat, un jeune inconnu nommé Modiano.

Tout y est : le tumulte de la rue, les serviteurs qui se rêvent en révolutionnaires, les écrivains mondains qui s’accrochent à leurs privilèges comme à leurs cravates.

Défilent alors Morand, Chardonne, Blondin, Dali et toute une galerie d’auteurs que Dreyfus croque avec une férocité exquise. Pas un ne sort indemne : chaque tic, chaque vanité est épinglé avec un humour sec, presque anglais.

Mais ce qui frappe, derrière la drôlerie, c’est la justesse. Cette comédie des lettres, ces egos en habits d’époque, disent mieux qu’un essai la fin d’un monde, celui des salons, des connivences littéraires, d’une bourgeoisie sûre d’elle-même, bientôt balayée par le vent de l’Histoire.

Chaque portrait est une flèche : Morand snob jusqu’au trognon, Chardonne qui sent encore la Collaboration, Blondin qui boit les phrases comme les bouteilles. Dreyfus les épingle sans méchanceté gratuite. juste assez pour qu’on voie les vanités trembler sous la nappe amidonnée.

Chaque personnage est une vanité incarnée, un miroir tendu à l’hypocrisie d’une époque.

Car derrière la farce, il y a Mai 68 en miniature.

Une farce grandiose où les prolétaires rêvent de liberté pendant que les bourgeois, déguisés en révolutionnaires, sauvent leurs privilèges.

Bref, un bijou de satire.

Dreyfus écrit avec élégance, sans lourdeur. Elle observe, elle taille, elle fait briller. Et moi, je tourne « les pages » sur ma Kindle, avec un plaisir rare, celui de lire une comédie qui donne à penser, une ironie qui éclaire.

Concis, mordant, jubilatoire, ce 𝐷𝑒́𝑗𝑒𝑢𝑛𝑒𝑟 𝑑𝑒𝑠 𝑏𝑎𝑟𝑟𝑖𝑐𝑎𝑑𝑒𝑠 est parfait pour qui aime voir les masques tomber… sans que personne ne se fasse vraiment mal. Un régal.

𝐄𝐱𝐭𝐫𝐚𝐢𝐭 :

Le personnel du Meurice découvrait avec stupeur que la révolution, c’était d’abord un changement de ton. On ne disait plus « Oui, Monsieur » mais « Pourquoi pas, camarade ? »

Florence Gould, en robe de soie ivoire, traversait le hall comme un navire de luxe en pleine tempête sociale. Autour d’elle, les valets discutaient salaire égal et les ascenseurs s’arrêtaient entre deux étages, comme hésitant entre deux mondes.

Les écrivains étaient arrivés, compassés et nerveux, craignant plus pour leurs réputations que pour la République. Le seul courage dont ils faisaient preuve consistait à accepter le champagne tiède.

Blondin, déjà gris de bon matin, leva son verre comme s’il s’agissait d’un étendard : « À l’autogestion, mes amis ! Que le maître d’hôtel serve le sommelier, que le groom commande au directeur, et que la femme de chambre décide du menu ! »

Morand, pincé dans son costume trois-pièces, rectifia d’une voix de salon : « Pourvu que le champagne reste du Dom Pérignon et que le caviar ne soit pas remplacé par des œufs de lump socialistes. »

Chardonne, plus philosophe, soupira : « L’égalité, c’est charmant… tant qu’on ne touche pas à la hiérarchie des crus. »

Et Dali, moustache en bataille, applaudit : « Magnifique ! Enfin une révolution qui a du goût ! »

𝑳𝒆 𝒅𝒆́𝒋𝒆𝒖𝒏𝒆𝒓 𝒅𝒆𝒔 𝒃𝒂𝒓𝒓𝒊𝒄𝒂𝒅𝒆𝒔, 𝒅𝒆 𝑷𝒂𝒖𝒍𝒊𝒏𝒆 𝑫𝒓𝒆𝒚𝒇𝒖𝒔. Grasset 2017. Ebook Kindle. On le trouve aussi au « Le Livre de Poche »

Envoyez donc paître les donneurs de leçon…

 
 
 
 
 
 
Humeur d’août !
 
Il y a des gens pour qui tout est politique, jusqu’à la manière de se vêtir, de boire et de manger ; de choisir ses auteurs et ses lectures ou de s’asseoir ou pas sur la lunette des WC. Ceux-là donc ne cessent de me faire un peu partout, jusqu’ici, la leçon : mes goûts et dégoûts littéraires, notamment, seraient des actes politiques. Ainsi, que Chardonne et Déon, par exemple, soient rangés dans ma bibliothèque, alors que n’y figureront jamais ni Despentes ni Angot, feraient de moi, né blanc et hétérosexuel assumé, un parfait réactionnaire. Honteusement misogyne de surcroît. Et je serais, pour ces redresseurs (j’allais écrire pleurnicheurs !) de torts, soit un imbécile en suggérant que, contrairement à eux, je suis inconscient de mes actes, soit un hypocrite, en suggérant que je suis complaisant au mal qu’ils dénoncent. Une façon, finalement, de m’imposer leur vision du monde pour m’imposer leur cadre idéologique et leur pouvoir. Ce qui m’amène, presque par instinct, à ignorer ce type d’injonctions et à envoyer paître ceux qui en font, et les présentent, comme les « obligations morales » de notre temps. Aussi, continuerai-je à lire les seuls auteurs susceptibles de nourrir mon autonomie et ma solitude, ma résistance et mes plaisirs (En ce moment, Emmanuel Bove : « Un homme qui savait ». Extrait : « Mais derrière la grande réputation du professeur, il n’y avait rien, ni intelligence, ni fortune, ni bonté, ni noblesse. On s’épuisait à faire son propre chemin, à maintenir des apparences. On attendait plutôt une aide du gendre qu’on ne songeait à l’aider. Sa jeune femme luttait pour tout le monde, avec plus d’ardeur même quand il s’agissait de sa famille. Le professeur était un homme sans valeur profonde, faible, paralysé par une femme qui se croyait continuellement dans l’obligation de tenir un rang. Maurice comprit qu’il ne ferait jamais rien dans ce milieu, qu’il ne serait jamais que le petit protégé d’une famille ambitieuse. Il n’eut plus qu’un désir : retrouver sa liberté. »)
 
 
 
 

« Si Hector Malissart muait l’humanité en féminité, sa fille Clématite la vouait au brun, au noir au sépia… »

 

Dans « La Chine m’inquiète » Jean-Louis Curtis (1917-1995) tient la main d’auteurs aussi divers que Proust, Céline, Valéry, Giraudoux, Chardonne, Breton, Bernanos, Beauvoir ou même le Général de Gaulle. ll s’est plu à imaginer ce qu’ils auraient pu écrire des événements de Mai 68. Une manière pour lui de se couler dans un style, pour le torpiller ou l’exalter drôlement. On jubile à la lecture de ces « pastiches révolutionnaires » ; et J’ai particulièrement goûté son Giraudoux, qui colle encore à notre actualité – quel brio !

Extrait :

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