La naissance du jour.
Di.25.3.2024
« Les hirondelles buvaient déjà au lavoir et happaient les éphémères, quand ma « compagnie » s’en alla. L’air avait son goût usagé d’après-midi, et la chaleur était grande sous le soleil qui se couche tard. Mais il ne peut pas me tromper, je décline avec le jour. Et vers la fin de chaque journée, la chatte, enlaçant en « huit » mes chevilles, me convie à fêter l’approche de la nuit. C’est la troisième chatte de ma vie si je ne compte que les chattes d’un grand caractère, mémorables entre les chats et les chattes.
M’émerveillerai-je jamais assez des bêtes ? Celle-ci est exceptionnelle comme l’ami qu’on ne remplacera pas, comme l’amoureux sans reproche. D’où vient l’amour qu’elle me porte ? Elle a, d’elle-même, réglé son pas sur le mien, et le lien invisible, d’elle à moi, suggérait le collier et la laisse. Elle eut l’un et l’autre, qu’elle porte avec l’air de soupirer : « Enfin ! » Le moindre souci vieillit et semble pâlir son très petit visage serré et sans chair, d’un bleu de pluie autour des yeux qui sont d’or pur. Elle a, des amants parfaits, la pudeur, l’effroi des contacts appuyés. Je ne parlerai guère plus d’elle. Tout le reste est silence, fidélité, chocs d’âme, ombre d’une forme d’azur sur le papier bleu qui recueille tout ce que j’écris, passage muet de pattes mouillées d’argent… »
Colette. La naissance du jour. Édition numérique. Emplacement 455 sur ma Kindle.