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Conversation avec Gérald Bronner : ce n’est pas la post-vérité qui nous menace, mais l’extension de notre crédulité.

 
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Hieronymus Bosch, « L’Escamoteur » (entre 1496 et 1520) ; huile sur panneau de bois au Musée de Saint Germain en Laye. Wikipedia

Monique Hirschhorn, Université Paris Descartes – USPC

Entretien avec Gérald Bronner, professeur de sociologie à l’université Paris Diderot, auteur de plusieurs ouvrages sur les croyances collectives et la cognition dont notamment « L’empire des croyances » (PUF, 2003), « La pensée extrême : comment des hommes ordinaires deviennent des fanatiques » (Denoël 2009) et « La démocratie des crédules » (PUF, 2013).


M.H. : Le mot « post-vérité », en anglais post-truth, a été désigné par Oxford Dictionaries comme mot de l’année 2016. Cela veut-il dire que nous vivons dans des sociétés où la distinction entre le vrai et le faux n’a plus d’importance ?

G.B. : Ce terme de « post-vérité » me semble mal choisi. Je préfère parler, comme je l’ai déjà fait, de « démocratie des crédules », car cette expression permet de souligner le rapport étroit et paradoxal entre le développement de la crédulité et celui de la liberté d’expression. En se servant du terme de « post-vérité », on semble dire que les gens sont devenus indifférents à la vérité, ce que je ne crois pas du tout.

Il existe, au moins métaphoriquement un marché cognitif, un espace fictif, où rentrent en concurrence des propositions intellectuelles qui viennent de milieux sociaux très différents, et, sur ce marché, il y a quatre catégories d’acteurs qui font circuler des informations fausses : ceux qui le font en sachant qu’elles le sont, simplement pour mettre du bordel dans le système ; ceux qui le font par militantisme idéologique afin de servir leur cause ; ceux qui le font pour servir des intérêts politiques, économiques ou même personnels ; enfin ceux qui le font en croyant qu’elles sont vraies, et c’est à leur propos que se pose le plus la question de la post-vérité.

Mais il ne faut pas croire que nous sommes devenus tout d’un coup indifférents à la vérité par l’effet d’une quelconque mutation. Ce n’est pas ainsi que fonctionne la sélection biologique. La thèse que je défends est que les évolutions technologiques et la libéralisation des marchés amplifient des éléments préexistants qui sont de grands invariants de l’être humain.

Si, pour prendre un autre exemple que le marché cognitif, sur le marché de l’alimentation, les produits les plus demandés et les plus présents sont la pizza et le hamburger, c’est qu’ils satisfont à de très anciennes dispositions qui, à l’époque du pléistocène, nous permettaient de stocker du sucre sous forme de graisse, mais qui actuellement favorisent l’augmentation de l’obésité.

Il en va de même pour le marché cognitif. Le développement d’Internet ainsi que des réseaux sociaux, qui nous donne accès à une information pléthorique et dérégulée, ne nous a pas transformés. Il révèle simplement un secret de polichinelle que les idéologues ont toujours voulu caché. Ce secret, c’est notre médiocrité commune, notre avarice intellectuelle et cognitive, notre disposition à la crédulité.

M.H. : Faut-il en conclure, qu’en dépit de notre intérêt très réel pour la vérité, nous sommes tous des croyants ?

G.B. : C’est effectivement ce qu’il nous faut admettre. Le régime de la connaissance que permet le progrès de la science est un régime exceptionnel et celui de la croyance est notre régime normal. Nous sommes des êtres de croyance. Mais, et il faut être très attentif à ce point, cela ne signifie pas que nous sommes fondamentalement irrationnels, seulement que nous ne sommes pas des sujets omniscients, que notre rationalité est limitée. D’abord parce que notre conscience est incarcérée dans un présent éternel (mes souvenirs ne sont que des reconstructions et mes anticipations du futur ne sont que des croyances) et dans un espace restreint ainsi que le montre l’expérience fort éclairante du sociologue américain de la connaissance, Gérard de Gré (1941).

Si l’on place un individu devant chacune des quatre faces peintes dans des couleurs différentes d’une pyramide, chaque individu attribuera à la pyramide la couleur de la face devant laquelle il est placé. Ce n’est que si on les autorise à faire le tour de la pyramide qu’ils découvriront leur erreur. Ensuite parce que nous voyons le monde à travers nos représentations culturelles. Les informations qui nous parviennent sont traitées dans des catégories de langage et de pensée qui nous rendent bien des services, mais qui peuvent nous conduire à des interprétations inexactes dès que nous sortons de notre contexte social. Pour un indien guayaki qui n’est jamais sorti de sa société, ce que j’appelle une télévision est un objet incompréhensible.

Enfin, il existe un vaste domaine qui est celui auquel je m’intéresse le plus, celui des limites cognitives de notre rationalité. Notre cerveau est formidable, mais il est limité quant à ses capacités d’abstraction, de mémorisation, d’anticipation des probabilités, de traitement des problèmes. La liste des biais cognitifs est longue : biais de confirmation – nous sommes plus sensibles aux informations qui vont dans notre sens qu’à celles qui nous contredisent –, négligence de la taille de l’échantillon, confusion entre corrélation et causalité…

Si l’on reprend toute l’histoire des idées, on voit donc que c’est la prise de conscience de ces limites et notre capacité à trouver des méthodes et des techniques pour les mettre à distance qui a permis à la connaissance de progresser. Mais celle-ci ne constitue qu’un état provisoire de la pensée. La plupart du temps, nous demeurons des individus croyants, y compris lorsque nous donnons notre adhésion cognitive à des énoncés issus de la vulgarisation scientifique, sans pouvoir argumenter.

M.H. : Si c’est là notre condition, comment pouvons-nous arriver à distinguer le vrai du faux ?

G.B. : Cette question se pose avec acuité, car, sur le marché cognitif commun, même une croyance comme la rotondité de la terre qui correspond à une connaissance scientifique et paraît aller de soi, se trouve mise en cause, il est vrai de façon, anecdotique, par des « platistes » dont les arguments peuvent paraître déconcertants à ceux qui ne savent pas leur répondre. Beaucoup de croyances fausses, comme le mythe des Anciens Astronautes selon lequel l’espèce humaine aurait été créée par des Extraterrestres, ou comme des théories du complot, sont proposées sur ce marché et il ne faut pas sous-estimer leur rationalité subjective, leur force argumentative.

La meilleure défense est de les soumettre au marché de l’information le plus exigeant, c’est-à-dire celui de l’information scientifique et d’appliquer la pensée méthodique. Se demander, chaque fois qu’une idée ne nous apparaît pas bien assurée, d’où elle vient et quelles sont les sources, de quelles informations je dispose pour l’évaluer, si j’ai bien établi des informations multiples et contradictoires afin de pas tomber dans les biais de confirmation, si j’ai explicité mes a priori intellectuels et culturels, même s’ils ne sont pas nécessairement faux, si j’ai envisagé la possibilité d’erreurs de raisonnement, si je n’ai pas laissé pas mon croire être contaminé par mon désir.

En principe, c’est l’école qui devrait nous avoir enseigné cette pensée méthodique et la formation scientifique est toujours une bonne défense, non parce qu’on apprend la physique, la chimie, mais parce qu’on apprend des méthodes d’administration de la preuve. Malheureusement, les enquêtes montrent qu’un bon niveau d’éducation n’immunise pas à l’endossement de toutes sortes de croyances que ce soit en matière de pseudoscience (astrologie) ou dans des domaines relevant habituellement de la science (ondes, OGM, etc.). Peut-être parce ce qu’on appelle l’esprit critique y est parfois dévoyé.

Ce dévoiement conduit à se croire intelligent une fois que l’on a défait toute forme de discours officiel. Quand on a montré que tout discours, y compris scientifique, est une construction sociale (ce qui est bien sûr exact, puisqu’il est produit par des acteurs sociaux), et la sociologie y a contribué, on oublie facilement que le discours scientifique est soumis à un mode de sélection très exigeant.

Ceci dit, se protéger de la crédulité demande un effort considérable comme le montre cet exemple personnel. Lorsque j’étais étudiant, j’avais appris que le saint suaire de Turin, qui, selon la légende, est réputé pour être le linceul du Christ, venait d’être testé au carbone 14 par trois laboratoires universitaires et était daté de la fin du XIIIe siècle. J’en parle à l’un de mes amis, catholique pratiquant, qui me propose une contre-argumentation très convaincante. Le suaire a été endommagé à plusieurs reprises, réparé, et c’est justement sur le bord du suaire que les échantillons ont été prélevés. Il présente des taches plus sombres correspondant aux blessures et celles-ci ont une teneur en fer élevé comme peut en laisser le sang. Il contient aussi des résidus de pollen provenant de la région où a vécu le Christ.

Le personnage crucifié a des pieux fixés dans les poignets (ce qui est conforme à la pratique réelle de la crucifixion). Selon la coutume hébraïque, des pièces de monnaie ont été placées sur ses orbites. On en retrouve la trace et ce sont des pièces de monnaie romaine du 1er siècle. Ébranlé par ces arguments, j’ai donc passé des années à croire que c’était une énigme non solutionnée, mais sans chercher par paresse et manque d’intérêt à trouver les arguments réduisant à rien ce prétendu mystère. En fait, comme je l’ai appris, les analyses ont montré que, si l’image de la crucifixion est conforme à la réalité, celle du sang ruisselant le front est fantaisiste, et les traces de fer dans les taches sont liées aux pigments de la peinture. Par ailleurs, la preuve de l’existence du pollen n’a jamais été apportée. En revanche la technique de confection du saint suaire a été retrouvée, permettant la réalisation d’un vrai faux saint suaire. Comme on le voit, même s’il existe sur le marché un produit cognitif très argumenté et en adéquation avec la réalité, et c’était ici le cas, encore faut-il faire l’effort de le chercher.

Notre capacité de mettre en œuvre une pensée méthodique ne constitue donc pas une garantie absolue. Nous ne serons jamais des êtres entièrement rationnels, ce qui ne serait pas d’ailleurs très marrant. Ce qui compte, c’est que la part de croyances radicales dangereuses, y compris dans les démocraties, reste à un niveau disons incompressible, ne connaisse pas cette extension à laquelle on assiste aujourd’hui.

M.H. : Que pensez-vous de l’aide que peut apporter le site de The conversation dont l’objectif est mettre l’expertise universitaire au service de l’actualité ou encore le dispositif « Décodex » mis en place par Le Monde pour aider les internautes à repérer les informations les moins fiables ?

The ConversationG.B. : Je ne peux qu’approuver évidemment la diffusion d’une analyse de qualité sur ce marché dérégulé de l’information. Malheureusement, toute initiative ne peut être qu’une goutte dans cet océan. Par ailleurs, les universitaires peuvent tout aussi bien être porteurs de croyances qui seront d’autant plus redoutables qu’elles bénéficieront du prestige social de celui qui les diffuse. Quant au dispositif Décodex, il me paraît aller dans le bon sens, mais j’attends évidemment de voir le bilan que l’on pourra tirer de ces multiples initiatives. Elles relèvent en général de la logique du nudge (architecture du choix) qui est une stratégie douce et non liberticide, ce qui convient à mes options philosophiques. En tout cas, j’ai le sentiment qu’aujourd’hui plus personne ne doute que la démocratie des crédules nous menace.

Monique Hirschhorn, Professeur émérite de sociologie, Université Paris Descartes – USPC

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Gérald Bronner: «Les sociologues doivent être des scientifiques, pas des militants»

   

L’entretien accordé par Gérald Bronner à Eugénie Bastié dans le Figaro du samedi 7 octobre 2017 (version intégrale)

Dans Le Danger sociologique *, qui suscite un vif débat, Gérald Bronner et Étienne Géhin alertent sur les dérives d’une discipline qui cède à l’idéologie et perd de vue sa vocation scientifique.

EUGÉNIE BASTIÉ. – Votre livre est intitulé « Le Danger sociologique ». Pourquoi ce titre ?

GÉRALD BRONNER. – Le titre est à double sens. La sociologie est une science en danger. Certains discours qui émanent de la sociologie, qui ne sont pas représentatifs des avancées scientifiques, sont devenus envahissants dans l’espace public. Mais la sociologie est aussi un danger, lorsqu’elle devient une idéologie et qu’elle produit des effets de déresponsabilisation dans la société. Ce que nous voulons dire dans notre livre, c’est tout simplement que la sociologie ne doit pas être « un sport de combat » (selon le titre d’un documentaire dédié à Bourdieu), mais une science. La vocation de la sociologie doit être modeste. Elle ne doit pas se donner une mission politique. Par exemple, elle n’a pas pour ambition de réduire les inégalités, mais de démontrer qu’il existe des inégalités. La science démontre que la terre est ronde et pas plate, elle n’a pas à dire si c’est bien ou mal ! En tant que citoyens, nous sommes porteurs de valeurs, mais ce n’est pas le rôle de la sociologie de les porter ! La neutralité axiologique, c’est la liberté par rapport aux valeurs. Cela ne signifie pas que les sociologues doivent être des anges au-dessus de la mêlée planant dans un arrière-monde métaphysique. Nous proposons une sociologie analytique qui s’appuie notamment sur les derniers développements des sciences cognitives pour éclairer d’un jour nouveau certaines dérives de la sociologie critique.

Quelles sont ces dérives ?

La principale dérive est selon nous le refus de la science au nom de l’idéologie. L’idéologie, c’est la volonté de subordonner les catégories du vrai et du faux à celles du bien et du mal. Karl Popper disait qu’une théorie était scientifique si elle pouvait être réfutée. Or la théorie du genre, par exemple, se soustrait à la critique en niant le fait qu’elle soit une théorie. Les études de genre sont nombreuses et diverses. Que disent-elles ? Qu’il y a une part de social dans la différence entre l’homme et la femme, qui ne saurait être réduite à la seule biologie. Il n’y a pas beaucoup de théoriciens du genre qui nient l’existence d’une différence biologique, pourtant dans le fond tous les travaux tendent vers cette focale, qui est non dite. Cet hyperculturalisme aboutit à un refus aberrant de dialogue avec les sciences cognitives ou la biologie. En partant du postulat selon lequel le social doit s’expliquer par le social, on se prive de nombreuses avancées.

« Expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser », avait dit Manuel Valls à propos de sociologues qui auraient justifié par des causes sociales les attentats. Le premier ministre de l’époque avait-il raison ?

La déclaration de Manuel Valls est indéfendable, c’est une négation de la science. Mais on comprend ce qu’il a voulu dire. Une version hyperdéterministe de la sociologie tend à nier la liberté individuelle pour la noyer dans des causes sociales. Ainsi Geoffroy de Lagasnerie qui expliquait que les djihadistes du 13 novembre 2015 « ont plaqué des mots djihadistes sur une violence sociale qu’ils ont ressentie quand ils avaient 16 ans ». De plus, ces modèles hyperdéterministes ne s’interrogent pas assez sur les entités collectives qu’ils utilisent comme le « pouvoir », qu’ils dotent d’une conscience et d’une volonté. Ils tombent dans ce qu’on appelle le « biais d’intentionnalité ». Certains sociologues, disciples de Foucault, déduiront du fait qu’il y a plus de personnes d’origine étrangère en prison l’existence d’un « racisme d’État », ou bien certaines féministes déduisent- elles des chiffres de la violence envers les femmes l’existence d’un « patriarcat », une entité justifiant cette violence. Ce finalisme, qui consiste à confondre causalité et fonction sociale, prépare le terrain à une forme de conspirationnisme.

Mais n’est-ce pas le propre de la sociologie d’être déterministe ?

Notre but n’est pas de réhabiliter le libre arbitre mais de définir quels sont les modèles intellectuels les plus efficaces pour décrire et expliquer les phénomènes sociaux. Les dernières avancées des sciences du cerveau donnent une part grandissante à l’arbitrage. Il faut aussi, je crois, réinjecter la part du hasard, qui est l’hôte indésirable de la pensée. De plus, les modèles intellectuels ultradéterministes peuvent avoir un caractère performatif. Ils ont parfois pour effet de démotiver un certain nombre d’individus. Ainsi, on s’est rendu compte que les différences de réussite scolaire entre des enfants d’immigrés d’Asie du Sud-Est et des enfants d’autres populations d’origine immigrée s’expliquaient essentiellement par la promotion d’un discours méritocratique plutôt que victimaire dans ces familles. L’inégalité des chances est un fait, mais elle s’accroît si les individus se lancent dans la vie persuadés que les jeux sont faits !

Les tenants de la sociologie critique et de la vulgate foucaldo-bourdieusienne sont-ils majoritaires à l’université ?

La question est de savoir si les tenants de la sociologie critique sont majoritaires dans le monde scientifique ou bien s’ils parlent simplement plus fort. Il y a eu une étude de l’INA sur les talk-shows publiée en 2017 : parmi les personnes les plus invitées sur les plateaux entre 2010 et 2015, on trouve en premier Patrick Bruel, et en deuxième Éric Fassin, sociologue militant par excellence. Si on prend les noms les plus recherchés de la sociologie, on s’aperçoit que Bourdieu et Foucault écrasent partout dans le monde Boudon et Coleman, tenant de la sociologie analytique. Ce sont ces auteurs critiques qui sont enseignés à l’université, comme le montre le volume de recherches sur Internet corrélé au calendrier universitaire. Il y a une intimidation morale très forte, notamment sur les campus américains. Quiconque va à l’encontre de la doxa est immédiatement traité de « réactionnaire ».

Pourquoi un tel succès ?

La pensée critique crée une forme de halo. Il y a un effet de dévoilement : on a l’impression de comprendre tout d’un coup les clefs d’un monde ultracomplexe. Le doute a des droits, mais il a aussi des devoirs, et le premier est de mettre à distance ses intuitions. Ce n’est pas parce qu’une théorie procure un sentiment de satisfaction intellectuelle qu’elle est vraie. Elle s’appuie sur un biais cognitif bien connu : le monocausalisme, qui voudrait trouver une cause unique à tous nos maux. Il y a une grande tentation de la science à chercher le primo mobile, la cause première. Nous sommes pétris de mots totems comme « néolibéralisme », « réactionnaire », qui sont utilisés sans être définis. Il y a aussi une tendance héritée peut-être du marxisme, à tout ramener à la cause économique. L’hyper esprit critique s’est retourné contre l’esprit critique. La relativisation des valeurs a abouti à la négation de la vérité.

« Post-vérité » a été élu mot de l’année par le dictionnaire d’Oxford. Que pensez-vous de ce concept ?

Je m’intéresse beaucoup aux croyances collectives, et j’ai écrit un livre qui s’appelle La Démocratie des crédules, où je pointais les dangers de la dérégulation du marché de l’information, qui permet notamment le développement des théories du complot. Pour autant, je ne crois pas que les individus soient devenus « indifférents » à la vérité. Notre cerveau n’a pas muté. Mais ce qui est vrai, c’est que le mensonge est plus disponible sur le marché de la connaissance. Or, comme nous sommes spontanément des avares cognitifs, des feignants intellectuels, nous allons vers ce qui nous paraît le plus simple, les effets de dévoilement qui nous donnent l’impression de maîtriser facilement le monde. Il est prouvé scientifiquement que rétrojuger sur nos intuitions premières est coûteux énergétiquement ! Sortir de nos réflexes cognitifs exige un effort, mais c’est le pari que nous faisons dans ce livre : une démocratie de la connaissance est possible !

* Le Danger sociologique (PUF, 238 p., 17€). Gérald Bronner est professeur de sociologie à l’université Paris Diderot et Étienne Géhin est agrégé de philosophie et ancien maître de conférences en sociologie.

 

L’espérance mène plus loin que la crainte .

 

La-Chronique-de-Brice-CouturierExcellente chronique de Brice Couturier, ce matin , sur France Culture. Que je reproduis in-extenso.

« Les promoteurs de l’heuristique de la peur n’aiment pas qu’on leur rappelle qu’ils sont réactionnaires », écrivez-vous, Gérald Bronner. Faut-il que notre société soit vieille pour que le progrès en tant que tel soit devenu, pour nos contemporains, un épouvantail !

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