Un grand parleur est importun à tout le monde.

Lu 5.5.2025

« Le bavard vous poursuit partout. Il vous prend par vos vêtements, par votre barbe ; il vous creuse les côtes avec sa main. Contre un tel homme « Les pieds sont très utiles », selon la remarque d’Archiloque, et même, il faut le dire, suivant celle du sage Aristote. Un jour celui-ci était importuné par un bavard qui le fatiguait de récits absurdes, et qui lui disait à chaque instant : « N’est-ce pas merveilleux, Aristote ? » — « Ce ne sont pas tes histoires qui sont étonnantes, dit le philosophe : c’est la résignation d’un homme qui, ayant des pieds, consent à te supporter ». Un autre homme du même genre lui ayant dit, après l’avoir longtemps entretenu : « Je vous ai bien fatigué de mon bavardage, cher philosophe ? » — « Non vraiment, répondit Aristote, je n’écoutais pas ». Quand, de guerre lasse, le bavard a obtenu la parole, les auditeurs se laissent bien verser autour des oreilles les flots de son babil, mais ils se replient sur eux-mêmes : leur esprit se recueille et se concentre sur ses propres pensées. De cette manière le bavard n’est pas plus écouté qu’on ne croit à ce qu’il dit. Car comme l’on tient pour assuré que la semence de ceux qui se rapprochent trop souvent des femmes n’a pas de vertu générative, ainsi le parler de ces grands babillards est stérile et ne porte point de fruit.»

Plutarque : Sur le bavardage. Librairie Hachette et Cie, Paris, 1870. Wikisource. (Téléchargement gratuit :https://fr.wikisource.org/wiki/Sur_le_bavardage)

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