Une rencontre au jardin de la Révolution dont « Le parti pris des choses » est finalement la cause…

     

Jardin de la Révolution. Narbonne. Photo @michelsanto

  Ce matin-là du mois d’août, j’étais assis sur un banc du jardin de la Révolution, à l’ombre, et lisais des pages, un peu au hasard, du texte de Francis Ponge « Le parti pris des choses » que je venais de trouver sous un petit tas de brochures religieuses dans la boîte à livres ouverte aux curieux et lecteurs de passage. De ma place, je pouvais voir sur la pelouse une jeune femme allongée sur une chaise longue aux couleurs de la « Ville ». Les yeux clos, elle tenait dans sa main droite la poignée d’une petite valise roulante. Le corps relâché, sans doute attendait-elle l’heure du départ de son train pour rejoindre la gare toute proche ; ou bien celle d’un ami qui viendrait la chercher pour l’amener chez lui – chez elle ou chez eux. Nous étions seuls, ou presque. L’aire de jeux des enfants était vide, comme la plupart des bancs, d’ailleurs; Nous baignions dans une grande et douce quiétude. Quittant mon livre, mon regard s’attardait parfois sur la passerelle aux décors japonisants qui, désormais, enjambe un bassin à jets multiples. Tout le square s’animait alors des souvenirs du jeune collégien qui le traversait deux fois par semaine pour aller déjeuner chez sa grand-mère, rue Michelet. Le jardinier lui même, qui râtissait avec beaucoup de délicatesse le gravier des allées semblait attentif à ne pas troubler ces réminiscences d’un passé attachées aux « choses » de son quotidien. Le silence, l’immobilité des arbres et des végétaux, étaient des « tableaux-vivants » dans lesquels j’ajoutais des personnages et des visages connus d’autrefois. Ils faisaient la perfection du moment.
« Vous permettez que je m’assois à vos côtés ? ». Prononcés d’une voix légère et sans accent, les paroles de cette dame âgée, toute petite et menue, habillée sans apprêts mais d’une élégance certaine et naturelle ne contrariaient pas mes pensées. « Vous êtes bien l’homme de la radio n’est-ce pas ? » De la conversation, discrète et courtoise qui suivit, j’appris un peu de son histoire. C’était à l’évidence son désir ! Elle m’invitait dans sa solitude : son veuvage, sa fille éloignée, et son passé : ses errances familiales de ville en ville jusqu’à son installation récente « au pays », pas très loin de Camplong d’Aude, son « village » ; celui de sa famille : « les Balmigère ». Un nom connu, ici, et lié, avec Paul, notamment, à l’histoire politique régionale et nationale du PCF. Je songeais alors, en l’écoutant, au destin de mon grand père maternel Michel Degeilh,  à sa déportation à Buchenwald en 1943 ; et mort hélas ! trop tôt pour me raconter les circonstances de son arrestation, sa « vie » dans ce camp de concentration nazi. Peut-être militait-il clandestinement dans le même « rayon » que son camarade Paul ?
Quelle étrange rencontre tout de même, dont un livre est finalement la cause, pensais-je. Comment aurais-je pu imaginer qu’un matin d’août j’allais vivre avec une parfaite inconnue, une heure durant, dans ce jardin de la Révolution, ombré et silencieux, une telle concordance de temps, de plaisirs et d’histoires ?

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