Elle est toujours assise sur la même chaise. Toujours correctement vêtue. Comme « avant ». Ses mains jointes reposent sur ses cuisses serrées. Légèrement penchée, le regard vague, toute enclose dans son corps. Un corps si léger, si fragile. « Ah ! Voilà mon fils. » Ces mots seuls, elle les prononce d’un trait.
Pour guérir de l’addiction aux insultes politiciennes quotidiennement crachées sur les réseaux sociaux, j’ai décidé de créer un groupe de parole rassemblant les personnes atteintes de cette morbide et régressive passion « anale ».
Sur la route du retour, en voiture, écoute de Proust : Sodome et Gomorrhe, sur Audible, avec la voix de Guillaume Gallienne. C’est éblouissant ! Je connaissais le texte, mais l’entendre ainsi lu avec tant d’intelligence ne peut jamais s’oublier. À ce moment, par exemple, le fou rire m’a pris :
« La marquise douairière ne se lassait pas de célébrer la superbe vue de la mer que nous avions à Balbec, et m’enviait, elle qui de La Raspelière (qu’elle n’habitait du reste pas cette année) ne voyait les flots que de si loin. Elle avait deux singulières habitudes qui tenaient à la fois à son amour exalté pour les arts (surtout pour la musique) et à son insuffisance dentaire. Chaque fois qu’elle parlait esthétique, ses glandes salivaires, comme celles de certains animaux au moment du rut, entraient dans une phase d’hypersécrétion telle que la bouche édentée de la vieille dame laissait passer au coin des lèvres légèrement moustachues, quelques gouttes dont ce n’était pas la place. Aussitôt elle les ravalait avec un grand soupir, comme quelqu’un qui reprend sa respiration. Enfin s’il s’agissait d’une trop grande beauté musicale, dans son enthousiasme elle levait les bras et proférait quelques jugements sommaires, énergiquement mastiqués et au besoin venant du nez »
Fort heureusement, quand Gallienne rendait ainsi merveilleusement tout le ridicule « savant » et comique de la marquise de Cambremer, j’entrais à très faible allure sur l’aire d’une station service. À « La Junquera », précisément.
Cette vieille carte postale a été écrite le 28 juillet à la gare de Narbonne par un nommé Armand. Il disposait d’une heure avant de prendre l’express de Toulouse. Il devait se rendre à Foix. Il faisait « beau temps », précise-t-il à ses « chers parents ». Son écriture est précise et soignée. Notamment, l’adresse du destinataire, remarquablement calligraphiée. Surtout les majuscules F et P. Magnifiques ! Dans ses courbes, ses pleins et ses déliés, sans doute Armand tenait-il à montrer aussi à ses « proches » son profond respect et la noblesse de ses sentiments.
Cela fait bien longtemps que cette carte postale me sert de marque page et passe ainsi d’un livre à l’autre. Comme pour cet « anonyme » qui l’avait insérée dans ce « pavé » des éditions « Bouquins » rassemblant les grands romans de Graham Greene ; livre que j’ai trouvé au pied d’une poubelle publique et qui figure désormais en bonne place dans ma bibliothèque.
Je me suis toujours demandé ce qui, ce jour-là, dans cette gare de Narbonne, avait traversé l’esprit d’Armand après qu’il eut posté cette carte. Se remémorait-il les évènements dramatiques survenus dans cette ville un mois plus tôt : la troupe tirant sur des viticulteurs et faisant quatre morts dont une jeune fille de vingt ans, Julie Bourrel ? Et quel âge avait-il et qu’allait-il faire à Foix, le 28 juillet 1907 ? (Une semaine plus tard, le croiseur cuirassé « Gloire », bombardait la ville de Casablanca…)
Cent quinze ans me séparent d’Armand. Je ne connais rien de lui que cette modeste carte postale. Quelques mots assez banals finalement. Quand je l’ai retirée d’entre les pages de la « Puissance et la Gloire », précisément, j’aurais pu m’en débarrasser. Mais voilà, quelques traits de plume m’ont retenu. Ceux, indiscutables, j’aime à le croire, d’un jeune homme au caractère vif, à l’éducation sûre et au style affuté. Depuis, quand je l’ai sous les yeux, je me raconte, au milieu de la grande, la sienne et la mienne aussi, de petites histoires.
Il y a deux jours à peine, je signalais ici même, que Didier Codorniou, le premier vice-président, PRG, de Carole Delga, la présidente de la Région Occitanie, avait diffusé le communiqué de cette dernière appelant à refuser et à combattre l’accord imposé par Mélenchon à ce qui reste encore de « frondeurs » dans son ex-parti. En toute logique, là où Didier Codorniou jouit d’un capital personnel et politique non négligeable : son Département, l’Aude, sa circonscription, la deuxième (Narbonne…), on devrait donc s’attendre à une initiative en cohérence avec sa prise de position au niveau régional. Concrètement, il me parait donc évident que, face à la candidate Verte de NUPES, madame Viviane Thivent, il ne peut pas ne pas y avoir un candidat PRG, certainement Edouard Rocher, le maire de Coursan, soutenu par… Carole Delga et de nombreux autres élus du Ps. À suivre…
Picasso Pablo (dit), Ruiz Picasso Pablo (1881-1973). Paris, musée national Picasso – Paris. MP72. Partager :ImprimerE-mailTweetThreadsJ’aime ça :J’aime chargement… […]