Risquer le coup de corne.

File:NRF n°588 COUV Le siècle de la NRF110.jpgLa féria de Béziers s’achève. Le prétexte pour reproduire ici un extrait  du mano à mano entre Michel Leiris et Vincent Delecroix publié dans le superbe numéro 588 de la NRF ( pages 274-277 ).
Michel Leiris, en janvier 1939 :  » Sans fioritures inutiles-juste ce qu’il faut pour montrer qu’on est maître de son art et qu’on n’hésite pas à prendre quelques risques de surcroît-, sans gestes de bravache,sans manèges de théâtre,Rafaelillo torée seulement avec toute son application, toute sa passion et son courage, n’admettant d’autre signature à l’ensemble de son travail q’une éraflure à son costume pour avoir approché la bête de trop près ou sa main droite baignée de sang pour avoir enfoncé l’épée avec une franchise totale. »
Vincent Delecroix,en février 2009:  » Vous n’aimez pas la tauromachie? Transposez, mettez un écrivain, vous même, si vous écrivez, en place du petit Rafael, et relisez l’article. S’exposer est l’acte- qui n’a rien à voir avec l’exhibition, qui n’interdit pas et même réclame l’étincelante parure, qui impose aussi de choisir ses figures- commun à l’écriture et à la tauromachie; c’est le terme absent mais central de ces quelques lignes…Ma signature, qu’elle est-elle, que sera-t-elle? Si je ne risque pas le coup de corne,à quoi bon? « 
Qu’ajouter à cela…

Garcia Lorca sur les murs de Narbonne.

 

 

 

Sur le mur d’un bâtiment public de la ville de Narbonne, on peut lire, dans sa version espagnole et sa traduction française, un poème de Fédérico Garcia Lorca. Qui le lit, personne ou presque? Jusqu’à ce qu’un  » poète  » du lieu, sur les conseils d’un  » lettré « , s’en avise pour nous signaler une grossière erreur de traduction de  » l’ancienne municipalité « . Et d’en appeler à la nouvelle pour que Garcia Lorca  » ne soit pas assasiné une deuxième fois « . Bref, une petite cuistrerie enrobée d’une vilaine sauce politicienne, mais qui a le mérite de surtout souligner les limites poétiques de nos deux compères. Car à gloser sur  » la rana  » ( la grenouille ), qui serait  » gênante  » au lieu de  » rama  » ( la branche ), qui serait elle plus seyante, du coup on tue bel et bien la lettre et l’esprit du poète andalous.
Concluons donc par ce petit bijou poétique, écrit le 12 juin 1921.

 » La lune s’en va sur l’eau
Comme le ciel est serein!
Elle fauche lentement le frisson du fleuve ancien
Cependant qu’une rainette la prend pour miroir à la main « 

PS: On trouvera ce texte dans Poésies IV, Gallimard édition de poche, page 40.

Le leurre du métissage culturel.

 
 
 
 
 
 
 
 
« Le modèle français d’intégration ne fonctionne plus, il aggrave inégalités et discriminations plus qu’il ne les combat. Et le décalage entre le métissage de la société française et l’étroite homogénéité de ses élites est plus flagrant et choquant que jamais. » Métissage! voilà un mot, généralement suivi du qualificatif culturel, abondamment cité dans la presse au nom d’un anti-racisme de bon aloi, dont nul esprit égalitariste ne saurait s’offusquer, mais qui a le redoutable inconvénient d’oublier la réalité qu’il désigne. Car si les mots ont encore un sens, il nous est demandé, aux fins d’insertion dans un moule étroit,de devenir les otages du principe de standardisation et du rabotage des aspérités culturelles. Alors même que, comme le dit si justement le poèteécrivain  Gil Jouanard « Nul véritable citoyen du monde ne fondera jamais son cosmopolitisme sur d’autres motifs que ceux suscités par le primat viscéral et intellectuel de la diversité. » ( Le jour et l’heure. Editions Verdier. 1998.Page 31 ). J’avoue moi aussi que je recherche chez autrui ce qui m’en différencie : « la différence entre lui et moi est grande, plus son identité requiert mon attention. » Tournant ainsi le dos au métissage culturel,  » …j’offre mon attention passionnée aux quatuors de Haydn, aux chants des Pygmées, aux joueurs de murali du rajasthan, au peintre en bâtiment siffleur, à l’individu qui ne ressemble à personne. »

L’anti  » yakas « .


                      

Mieux écrit que je ne saurais le faire, cette note de lecture sur le petit ( par le format ) mais grand ( par son contenu ) du dernier ouvrage d’Hubert Védrine :  » Continuer l’ histoire «  , que vous trouverez dans l’excellent blog
 » Fugues et Fougue «  . Un peu de réflexion, en ces temps de toutes les démagogies, ne peut nuire à nos cerveaux bombardés quotidiennement de  » yakas  » et de  » fokons « . Cette vidéo aussi, pour entendre une langue qui, elle, n’est pas de bois .Qu’en pensez-vous ?

Entre les murs de la lutte des classes.






A propos du fim  Entre les murs dont on nous bombarde les oreilles depuis ce matin sur France culture, M. Chevènement, nous dit qu’il est d’une  » inspiration (pédagogiste) qui a conduit l’école là où elle est aujourd’hui « . Jugement que le grand théoricien et propagandiste militant Philippe Mérieu conteste tout en précisant, dans l’Express, qu’à l’inverse de celle montrée dans le film: « Une pédagogie de gauche donne la parole aux élèves et préconise de se mettre à leur portée et non à leur niveau  » Oui, vous avez bien lu ! Et comme le ridicule ne tue plus et la bêtise prospère, il rajoute un petit zeste de lutte des classes : »Pour moi la gauche parie sur l’éducabilité des élèves alors que la droite à tendance à traiter l’échec par l’exclusion. » Ce que confirme, pour ce qui concerne le ridicule et la bêtise, un de ses anciens élèves, dans le Monde, un nommé Sébastien Ledoux, enseignant au collège Jean-Vilar de Grigny – la Grande Borne (Essonne) et précise-t-il, chercheur associé à l’Institut national de recherche pédagogique ( on s’en serait douté ) :  » son succès ( du film ) relève une fois de plus de la bonne conscience française face aux problèmes de ségrégations ethnico-sociales qui minent le sentiment d’appartenance collective. » Bref, ce film d’inspiration pédagogiste de droite dédouanerait l’Etat en masquant sa politique d’apartheid et d’exclusion. Je n’ai pas vu  cet Entre les murs et m’abstiens donc de tout jugement sur le travail de Laurent Cantet. Travail qui, quoiqu’il en soit de sa valeur esthétique, n’a visiblement pas fini d’offrir à certains l’occasion de pousser les murs de l’école entre le zéro de la démagogie pédagogiste et l’infini de la surenchère politicienne.

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