« Junca « . En patois jérezien : splendide, généreux nous précise le carton de présentation du spectacle que nous a offert hier soir Mercedes Ruiz. Authentique aussi, car à Jerez de la Frontera la beauté flamenca s’épanouit toujours aux sources gitanes du quartier de San Miguel. Celui qui a vu naître Manuel Torre,le Maître du canto puro,le Dieu du cante gitan du début de ce siècle et Manuel de los Santos dit « El Agujeta », son génial et inspiré disciple. Deux immenses cantaores habités par cette passion du cante cru et tragique, mais d’une profondeur extraordinaire, qui souvent est lié à la forge, métier qu’exerceaient généralement les Gitans. Et comment ne pas évoquer ici un autre Gitan de Jerez, le matador Rafael de Paula, génial lui aussi. La même profondeur,le même duende,la même lenteur, les mêmes instants où le temps semble suspendu, mais avec des douceurs et des caresses cachées que n’a pas Agujeta, lui si violent. Sur la scène du Théâtre de Narbonne, » El angel » était avec Mercedes Ruiz et sa troupe. Elles ont donné corps et voix à ces deux sources gitanes de Jerez: la délicatesse et les frolements soyeux de Rafael de Paula, la violence et la tension tragique de Manuel El Agujeta…Le public,sous le choc, aurait pu quitter les lieux avec une de ses coplas : » De tout mon coeur, j’aime la personne qui m’a appris à aimer ».
Hier soir, au théâtre de Narbonne: le Misanthrope . Et dans la salle des Tartuffes et Précieuses ridicules. Quelques faux et fausses dévotes et quelques petits marquis s’étaient déplacés pour la circonstance. Une côterie émerveillée d’elle même, endimanchée, papoteuse et hypocrite dont l’extravagant et pathétique Alceste ferait un peu plus tard le procès. Sans concession et sans compromis. Jusqu’à s’abandonner à sa maladie, cette humeur noire qui le conduira au délire et à la folie. Seul. Dans le désert.
Curieux que la presse locale n’est pas vu le côté bouffon et dérisoire du personnage à l’opposé de la sagesse raisonnée et souriante de son ami Philinthe. Et compromettante empathie pour un personnage qui tourne en ridicule la vertu ( Fénelon)…
A propos d’offrande, celle du Golden Gade Quartet au Château l’ Hospitalet, hier au soir, était de celles que l’on n’est pas prêt d’oublier. Quatre voix à faire chanter les cigales au cœur de la nuit. A réveiller les âmes grises. A renouer aussi avec le temps du désespoir et de l’espérance.
Quatre voix noires et américaines qui chantait une parole anachroniquement chrétienne en ces terres méditerranéennes qui ne le sont plus. Ou presque.
Et pourtant, le plaisir du public et ses manifestations de joie témoignaient que malgré une langue et une culture qui nous sont à beaucoup d’égards étrangères les corps savaient entendre ce que nos esprits ne savent plus distinguer. Un au-delà des textes et des musiques.Une présence rayonnante de simplicité et de sincérité qui si souvent nous trouble en ces temps où les contrefacteurs de la création artistique nous sont démagogiquement présentés comme d’authentiques génies…
C’est l’été! C’est aussi le temps des festivals. En Languedoc-Roussillon comme partout en France, où pas un village, un hameau , une rue n’échappent à cette folie « culturelle « . Dans son dernier « opus », dirait Tartuffe, le journal officiel ( numéro 31, son supplément ) de la Région présidée par G. Frêche, nous en donne la liste. Une liste qui vaut moins pour » les évènements culturels » présentés que pour la nullité des commentaires les accompagnant. Nullité à la hauteur de la pensée et du vocabulaire, ne parlons pas du style, de son éditorialiste ( qui est ce cuistre? ), qui nous précise que » l’ensemble de ces évènements est un atout fort ( évidemment! ) de notre territoire. Un atout d’enrichissement personnel….et aussi un atout touristique » Ainsi nous est-il révélé que la force du » Printemps des comédiens » c’est : » le juste assemblage entre tous les artistes invités et les formes conviées. » ( ?!…).