Cet homme que je ne connais pas !

 
 
 
 
 
 
Je.6.3.2021
 
Devant l’étal de la boulangerie
j’attendais mon tour.
Patiemment.
 
Elle est venue vers moi
et m’a embrassé.
Tu es toujours triste ?
 
Triste ? Non !
Ni gai.
Que dire alors.
 
Depuis je pense
à cet homme triste.
 
Cet homme triste
que je ne connais pas.
 
 
 
 
 

Un dimanche des Rameaux à Narbonne et… Cox !

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Di.2.3.2023
 
Dimanche des Rameaux.
 
Moments de vie.
 
10 heures 30. Les cloches de Saint-Just appellent les fidèles à se rassembler sur l’esplanade située à l’arrière de la cathédrale. C’est l’heure du rituel de la bénédiction des rameaux d’olivier et de laurier. Elles sonnent haut et fort. Et le vent porte loin dans les airs des vibrations d’allégresse. Le curé et ses servants sont en place. Autour d’eux, une petite foule se presse. Elle attend, impatiente, que la cérémonie commence. Leurs feuilles de laurier ou d’olivier bénies, de nombreux participants fuiront la messe et quitteront vite les lieux. Les rameaux orneront leurs maisons et les protégeront des malheurs du monde ! Ceux-là m’ont toujours fait penser à des adeptes clandestins d’une sorte de rite magique. Plus tard, en remontant le Cours Mirabeau, j’ai croisé une famille d’Espagnol. L’homme, jeune, tenait à la main une longue branche de palmier séchée, tandis que sa femme et ses enfants arboraient des assemblages de palmes tressées. Comme à Elche, pendant la procession des palmes blanches, ou à Cox. Cox, le village de mon grand-père, où j’ai pu discuter, en 2013, je crois, de cet art du tressage des feuilles de palmier avec deux dames le pratiquant, ce jour-là et selon la coutume, devant l’église. Un art délicat qui se pratique et se transmet encore dans quelques rares familles. Depuis cette étonnante rencontre, je ne cesse de m’interroger. Pour quelles raisons ce jeune couple et leurs enfants se promenaient-ils ainsi dans les rues de Narbonne avec, dans leurs mains, les emblèmes d’une tradition qui, le même jour, réunissait une multitude de personnes dans les rues d’Elche, d’Orihuela ou de Cox ? Depuis, j’ai le regret de ne pas leur avoir adressé la parole. Ils ne pouvaient venir en effet que de terres paternelles. Nous aurions pu alors communier, peut-être, sur de mêmes histoires familiales. Que d’occasions de partage d’idées ou de sentiments sottement perdues dans une vie d’homme, songeai-je.
 
Illustration : photos prises lors de mon dernier séjour à Cox.
 
 
 
 
 

Trois moments dans l’ordinaire de la vie !

 
 
 
 
 
Sa.25.3.2023
 
Moments de vie.
 
Hier, en fin de matinée, visite surprise de Clémence et de Romy, notre dernière arrière-petite-fille. Trois mois à peine. Je lui parle doucement. Ma voix plaît, paraît-il, aux enfants. Elle me sourit. Je la tiens contre ma poitrine. Mes bras font berceau. Je baise son front. Elle se laisse faire. Confiante. Deux corps, deux souffles et ce sentiment de communier avec la vie. La vie dans son mouvement le plus simple, le plus naturel. On s’oublie pendant quelques instants. On oublie son âge, son histoire. Comme dans l’amour.
14 heures, dans ma voiture. J’écoute France Culture : « Entendez-vous l’éco ? ». Je n’ai pas retenu le nom de l’animateur. Le sujet ? L’intérêt du cinéaste chilien Patricio Guzman pour les mouvements populaires, la foule, le réel social. Et cette question : « son engagement témoigne-t-il encore aujourd’hui d’un réveil de la gauche chilienne, qui peine à se tirer du marasme dictatorial et de ses héritages néolibéraux ? » Évidemment, pensais-je. Première référence musicale : El derecho de vivir en paz et la voix de Victor Jara. Évidemment, encore. Souvenirs de jeunesse ! Belle chanson et belle voix. Si souvent écoutés, alors. J’entends un invité, Julien Joly, dire que « les événements de 2019 sont pour Guzman une surprise, un vent de fraîcheur, quelque chose qui le rassure sur la capacité d’une nouvelle génération chilienne à s’emparer de son destin et à s’opposer à la manière dominante d’envisager l’avenir ». Il est jeune lui aussi… Le message est passé sur France Culture. Évidemment, encore et toujours…
15 heures, arrivé à Lézignan. Les longs couloirs gris ; des chambres d’hôpital ; des dames en blancs, des personnes très âgées, assises ou couchée. Et cette odeur ammoniaquée. Dans une grande salle, autour d’une grande table, certaines jouent au loto. Je compose un code. J’entre dans l’îlot où réside ma mère. Elle est assise. Toujours à la même place. C’est mon fils ! Je lui prends la main. La caresse, lui parle doucement. Lui montre des photos. La dernière avec Romy dans mes bras. Et puis celle de ses arrières-arrières-petits-enfants, Milo et Gianni. Sur le grand écran des images d’Arte. Le murmure de la forêt. Des arbres, des fleurs qui respirent, vivent. Naissent et meurent. C’est beau, dit-elle…

Ce texte d’un ami sur mes petits récits : « Moments de vie »…

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Ve.19.3.2023
 
 
Yves Marchand est un ami. Hier, il a commenté mon dernier billet pour me dire qu’il y répondrait ce matin – dans son journal. Ce qu’il a fait avec ce texte bienveillant d’une grande élégance de ton et de forme. Un miroir fidèle de mes « sentiments » et de mes intentions. Des siens aussi. Je le remercie.
 
« Mon journal : Dédicace n°4
À cet ami qui a choisi d’inscrire dans son quotidien, et le nôtre, de courts récits intitulés « Moments de vie », pour exprimer sa tendresse, sa nostalgie et son désenchantement mais aussi sa volonté de demeurer loin des plaintes, vaines et répétitives, serinées par tant d’apprentis commentateurs de l’actualité qui, se croyant originaux, ressassent les discours de la doxa journalistique, je voudrais dire à la fois mon admiration et ma compassion.
Résistant fermement à la tentation du complexe d’Alceste, il se tient ainsi, droit dans ses bottes, sur les berges de la misanthropie, et salue au passage d’un sourire lointain le bruyant cortège des idées reçues.
Son île à lui, c’est son billet sans destinataire et sans destination, rédigé pour lui-même et lancé sur les ondes d’internet comme une bouteille à la mer avec l’espoir toujours renouvelé d’amener à la réflexion quelques cueilleurs de poésie.
Ce que j’admire en lui, c’est sa renonciation à démasquer la mauvaise foi et la sottise. Pour ma part, je ne suis jamais parvenu à me défaire de cette exigence devenue un travers après avoir été une obsession. Il me connaît depuis longtemps. Il le sait. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Sans doute le résultat d’une déformation professionnelle, peut-être même fonctionnelle, due à l’insatiable volonté de partager mes convictions et de convaincre.
Mais je compatis aussi à la désillusion instillée dans sa vie par cette renonciation.
Il n’y a que deux moyens de s’opposer à la médiocrité ambiante : le mépris ou le combat.
À choisir le mépris, on ressent nécessairement l’inaccomplissement de la tâche pédagogique qui incombe à celui qui sait.
À choisir le combat, on ressent aux échecs renouvelés la vanité de l’entreprise.
Il y aurait bien la dérision qui est une autre forme de combat. Elle convient à celui qui en use, pas à ceux auxquels elle s’adresse. Elle satisfait son auteur par le succès d’audience qu’elle peut susciter mais elle reste aussi vaine que tout autre combat.
Mon ami n’a pas choisi le combat. Il fait le dos rond et passe à autre chose. Il se tait, fait profiter ses amis de ses découvertes et les invite à participer au festin de la littérature. Il découvre des œuvres, des auteurs, les partage avec un cercle d’amis qui se découvrent au fur et à mesure qu’ils le connaissent mieux.
Cette école est celle de l’humilité qui n’impose aucune idée, pas plus celles de tout le monde prônées par le flux des tendances que celle, originale, qui pique la curiosité.
Elle est simplement partage, avec ceux qui veulent bien partager.
C’est peut-être cette humilité qu’à tort j’ai qualifiée de désillusion…. »
 
 
 
 
 
 

Revient toujours le temps des jonquilles…

 

 

Elle habite mon quartier. Mais je ne la vois qu’une fois l’an. Quand fleurissent les jonquilles. L’année dernière, elle avait calé son antique bicyclette contre un banc de pierre de la petite place située juste devant mon petit immeuble. Là, elle présentait quelques bouquets de jonquilles dans une cagette attachée sur le porte-bagages de son vélo. Ce matin, c’est au début de la rue du Pont des Marchands, côté place de l’Hôtel de Ville, que je l’ai aperçue. Assise sur la bordure entourant un palmier, elle lisait. Son vélo et ses jonquilles étaient, comme chaque mois de mars de chaque année, à ses côtés. Et je l’ai rituellement remerciée d’être encore là dans sa grande simplicité. Pendant que nous bavardions, des gens passaient devant nous, indifférents à cette innocente messagère de la fin des jours tristes et des heures courtes ; ils passaient insensibles et froids devant tout ce jaune en bouquets qui semblait appeler le soleil. Ainsi allait un monde dénaturé. Sec et sans âme.

 

   

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