À la tombée de la nuit tout sera effacé…
Di.11.8.2022
Sur le sable mouillé : « Gabriel et Anna ». / Un cœur précède Gabriel, un autre suit Anna. / Plus haut, face à la mer, un visage. / À la tombée de la nuit, tout sera effacé. / Confondu, comme l’eau dans l’eau.
Moments de vie : « L’effet Sandrine » chez mon fromager…
Ve.9.9.2022
Moments de vie.
Ce matin, aux Halles, devant l’étal de mon fromager et devant moi, étaient trois hommes d’un âge avancé – le mien ! – aux physiques disons entretenus. Ils ont commandé un nombre impressionnant de fromages de toute sorte. Le marchand étonné, mais le sourire commercial aux lèvres, s’est pour une fois lâché et, de paroles en paroles finement amenées, leur a fait dire qu’ils venaient de Marseille pour un week-end VTT, entre hommes, ont-ils insisté, dans le massif de la Clape. Entre hommes, tiens donc ! Comme mes amis, pensais-je, qui, tous les dimanches et très tôt, sortent ensemble sur leur « machines » pour finir leur parcours, vers midi, à la terrasse du bistrot du Cours de la République autour d’un verre de vin blanc ou de bière accompagné de chips et de tranches de saucissons… Finalement, on a grand tort de vertement critiquer Sandrine, pensais-je encore. Sans elle, et sa croisade anti-barbecue, je serais en effet resté prisonnier de ce halo genré qui m’empêche de voir toute la puissance symbolique de ce moyen sportif de locomotion, de son usage surtout. Aveuglement d’autant plus impardonnable que ces mêmes amis se retrouvent régulièrement autour d’un barbecue pour préparer et organiser leurs prochaines virées… J’en étais là, en pensées et compagnie philosophico-politique de Sandrine, quand mon tour d’être servi fut venu. « Bonjour ! Nous serons quatre pour une sortie en mer samedi. — Entre hommes pour une pêche au gros ? » s’est exclamé mon fromager…
Il faut aussi que toutes ces attentes cessent, pour n’en garder qu’une…
Moments de vie : « Je ne voyais plus que ses immenses yeux verts… »
Sa.27.8.2022
Moments de vie.
Il était environ 8 heures 30 du matin. J’étais en avance. La pharmacie de la Grand’Rue n’ouvrait en effet qu’à 9 heures. En attendant, je suis allé à la boulangerie d’à côté, déjà très animée. La file d’attente était longue. J’y ai pris calmement ma place tandis que deux vendeuses habiles servaient des clients manifestement pressés. Des femmes d’un âge moyen, surtout ! Vêtues et coiffées « à la va-vite », cabas aux bras. Devant moi, un vieil homme en short et « Marcel ». Petit et tordu, les cheveux gris embrouissaillés, il sentait le linge sale. J’ai demandé un croissant, que j’ai mangé sur la terrasse en bois, devant l’entrée. Un énorme chien-loup aux poils fanés y roupillait. D’instinct, il a mollement ouvert un oeil. Pour le refermer aussitôt. Un couple de jeunes touristes sortis du lit s’est installé à la table voisine. Ils avaient commandé un petit déjeuner complet. Vite avalé. En silence ! La cloche de l’église s’est mise à sonner les premiers coups de 9 heures. Au dernier, trois hommes du lieu ont applaudit la sortie de la jeune employée de la pharmacie armée de son drapeau étendart. Ils riaient ! Je pouvais donc enfin entrer. « Oreilles bouchées, écoulement nasal, maux de tête, bouffées de chaleur… et fièvre, ce matin… Je crains… Covid… » Après quoi, une jeune fille en blouse blanche ma gentiment prié de m’installer sur une chaise, dans un coin de l’officine. La pharmacienne ferait le test, m’a-t-elle annoncé. Grande, longue et fine, cette dernière s’est approchée. Masquée, évidemment. Elle m’a fait quelques chatouillis insistants dans le fond des narines. Je ne voyais plus que ses immenses yeux verts. L’étaient-ils ? Je ne sais plus. C’est en tout cas ces yeux-là que je garde encore à l’esprit. Ils souriaient… « J’espère que ça n’a pas été trop désagréable ? Vous aurez le résultat du test dans quelques minutes. On vous appellera. » Je n’avais pas fait trois pas dans la rue, que je recevais un message SMS : « test Covid positif ». C’était mercredi matin ! Depuis, je vis cloîtré. Le corps en panne. Lourd et fatigué. J’ai de la peine à écrire ces quelques lignes. Lire est tout aussi difficile ! Ces moments sont désespérants. On découvre qu’on a tout oublié – ou presque – des centaines de livres lus et accumulés dans sa bibliothèque. Qu’ils ne sont d’aucun secours ! Seule compte à nos côtés la présence de la personne aimée. On y puise l’énergie nécessaire pour tenir à distance nos angoisses. Ou de prendre son clavier et tenter d’arrêter le temps : quelques instants, une image. Comme les immenses yeux verts d’une inconnue penchée sur mon visage …