Si on se trouve devant une obligation de grandeur, on biaise, on l’évite, on s’écarte …

41GFPYEQ2TL._SX312_BO1,204,203,200_

Avec des petits trucs pour vivre et des petits trucs pour gagner sa vie, on va au jour le jour. Si on se trouve devant une obligation de grandeur, on biaise, on l’évite, on s’écarte par la tangente. Si on souffre trop, on fait un discours, ou on écoute un discours; car on est peut-être capable d’inventer le truc du téléphone, de la T.S.F. et de l’avion, mais on n’est pas capable de trouver des raisons individuelles de grandeur.

In L’Oiseau bagué. Gallimard/Folio, 1943, p.170.

 

Pages de Saint Simon: « Tout est habit dans ce monde… »

9781179879482_p0_v1_s260x420

Extrait de: Saint-Simon, Louis de Rouvroy, duc de, 1675-1755. « Pages choisies des Mémoires du duc de Saint-Simon. » Mon eBook pages 15,16,17.

L’illusion était parfaite ; nous apercevions un monde sublime et pur. Dans les galeries de Versailles près des ifs taillés, sous les charmilles géométriques, nous regardions passer le roi, serein et régulier comme le soleil son emblème. En lui, chez lui, autour de lui, tout était noble. Les choses basses et excessives avaient disparu de la vie humaine. Les passions s’étaient contenues sous la discipline du devoir. Jusque dans les moments extrêmes, la nature désespérée subissait l’empire de la raison et des convenances. Quand le roi, quand Monsieur serraient Madame^ mourante de si tendres et de si vains embrassements, nul cri aigu, nul sanglot rauque ne venait rompre la belle harmonie de cette douleur suprême; les yeux un peu rougis, avec des plaintes modérées et des gestes décents, ils pleuraient, pendant que les courtisans, « autour d’eux rangés, » imitaient par leurs attitudes choisies les meilleures peintures de Lebrun. Quand on expirait, c’était sur une phrase limée, en style d’académie ; si l’on était grand homme, on appelait ses proches et on leur disait :

Chronique de Narbonne et d’ailleurs. La grande librairie de François Busnel était au Somail, en Narbonnaise…

  OLYMPUS DIGITAL CAMERA  

Jeudi 28 mai, France 5 diffusait la dernière émission de la saison de La grande librairie. À cette occasion, François Busnel proposait une spéciale « Bibliothèque idéale » pour cet été depuis la librairie « Le trouve tout du livre » au Somail, dans l’Aude, au bord du Canal du Midi, à quelques petits kilomètres de Narbonne. Un site superbe, et une bibliothèque somptueuse. Je m’y rends souvent. On y trouve des livres rares, mais aussi des BD et les nouveautés littéraires du moment. La profondeur du lieu, ses odeurs de vieux bois et de papier, son calme et sa sérénité font de cette librairie hors du commun et du temps, un des derniers refuges où s’isoler à l’abri du vulgaire, de la mode et des marchands de papier… Quant à l’accueil, toujours agréable et courtois, il  ajoute à ce temple des lettres un discret mais puissant sentiment de bien-être.  Celui qui vous enveloppe au moment de pénétrer dans ce monde où les morts et les vivants s’offrent à vous par la grâce de leurs seuls esprits.

L’esprit de notre temps, si contraire à l’esprit et à la sagesse du roman…

3726295992

Deux lectures en rapport avec notre actualité:

L’homme souhaite un monde où le bien et le mal soient nettement discernables car est en lui le désir, inné et indomptable, de juger avant de comprendre. Sur ce désir sont fondées les religions et les idéologies. Elles ne peuvent se concilier avec le roman que si elles traduisent son langage de relativité et d’ambiguïté dans leur discours apodictique et dogmatique. Elles exigent que quelqu’un ait raison ; ou Anna Karénine est victime d’un despote borné, ou Karénine est victime d’une femme immorale ; ou bien K., innocent, est écrasé par le tribunal injuste, ou bien derrière le tribunal se cache la justice divine et K. est coupable. Dans ce « ou bien-ou bien » est contenue l’incapacité de supporter la relativité essentielle des choses humaines, l’incapacité de regarder en face l’absence du Juge suprême. À cause de cette incapacité, la sagesse du roman (la sagesse de l’incertitude) est difficile à accepter et à comprendre.

Extrait de: Milan Kundera. « L’art du roman. » Mon livre numérique. Epub page 12 et 13

Et ceci encore page 25 et 26

Le roman (comme toute la culture) se trouve de plus en plus dans les mains des médias ; ceux-ci, étant agents de l’unification de l’histoire planétaire, amplifient et canalisent le processus de réduction ; ils distribuent dans le monde entier les mêmes simplifications et clichés susceptibles d’être acceptés par le plus grand nombre, par tous, par l’humanité entière. Et il importe peu que dans leurs différents organes les différents intérêts politiques se manifestent. Derrière cette différence de surface règne un esprit commun. Il suffit de feuilleter les hebdomadaires politiques américains ou européens, ceux de la gauche comme ceux de la droite, du Time au Spiegel ; ils possèdent tous la même vision de la vie qui se reflète dans le même ordre selon lequel leur sommaire est composé, dans les mêmes rubriques, les mêmes formes journalistiques, dans le même vocabulaire et le même style, dans les mêmes goûts artistiques et dans la même hiérarchie de ce qu’ils trouvent important et de ce qu’ils trouvent insignifiant. Cet esprit commun des mass média dissimulé derrière leur diversité politique, c’est l’esprit de notre temps. Cet esprit me semble contraire à l’esprit du roman. »

Articles récents

  • La Cour, encore !
    Sa 19.07.2025 La Cour, encore ! Sous l’Ancien Régime, les lettrés savaient à qui plaire pour obtenir pension, protection ou brevet d’office. Molière avait Louis XIV. Boileau aussi. Et Racine finit […]
    Aucun commentaire
  • La gravité universelle a une odeur de monoï.
    Lu 14.07.2025 Une odeur de monoï. Sur la plage, seul. Ou presque. Une brise légère, la mer calme, le silence presque parfait. Je savoure. Partager :ImprimerE-mailTweetThreadsJ’aime ça :J’aime […]
    Aucun commentaire
  • Le feu, la cendre et la vie…
    Ve 11.7.2026 Il y avait la mer, au loin. Et la chaleur d’un soir d’été à Narbonne-Plage. Quelques jours plus tôt, un incendie dramatique avait léché les portes de la ville. Plus de 2 000 hectares […]
    Aucun commentaire
  • Le feu et la cendre
    Me 9.7.2025 J’ai vu les collines brûler sur les Hauts de Narbonne. J’ai vu les flammes sauter les crêtes. Jusqu’au bord des étangs. Partager :ImprimerE-mailTweetThreadsJ’aime ça :J’aime […]
    Aucun commentaire
  • Contre les grands systèmes. Pour une sagesse de poche.
    Lu 7.7.2025 Il y a des livres qui ne cherchent pas à convaincre. Ils ne s’imposent pas. Ils s’offrent. Avec cette voix calme de ceux qui savent que tout ce qui compte ne se crie pas. […]
    Aucun commentaire