Un indigeste et couteux mille-feuille administratif…

 

 

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Mercredi soir, autour d’amis communs, et d’une bonne table, je retrouve le maire d’une commune du Grand Narbonne. Il fut de ceux qui comptèrent lors de la création de la Communauté d’Agglomération de la Narbonnaise. Jamais il ne campat sur des positions idéologiques et politiques, toujours l’intérêt général fut son credo. C’était le temps où il fallait tout inventer, sans autre repère que des lois aux contours flous et des élus et des équipes administratives peu au fait, ou réticentes face à des changements pourtant nécessaires . Un moment passionnant, comme celui que je vécus lors de la création de la région Languedoc Roussillon, en 1986 … Mais foin de nostalgie, c’est de l’avenir dont il fut question entre nous. N’ayant pu tout dire, l’autre soir, je poursuis donc à distance ma réflexion .

 

Commençons d’abord par briser cette idée à la mode d’un renouveau des campagnes. Aujourd’hui, avec la télévision, Internet, l’explosion de la mobilité, tous les Français partagent les valeurs de la ville . Les ruraux sont des urbains qui vivent à la campagne : des  » rurbains « . C’est cela qui importe. De la même manière qu’on ne vit pas de semblable façon dans le coeur de Paris ou de Narbonne qu’ à leur périphérie : le rapport à l’autre est en effet plus socialisé alors que dans le péri urbain beaucoup d’éléments sont privatisés: on est propriétaire de sa maison etc…, il n’empêche que le style de vie et les valeurs de la villes structurent tous les espaces.

 

Malheureusement, notre carte administrative ne correspond pas à cette nouvelle géographie sociétale et humaine : les trois quarts des Français vivent dans 13 % des communes et les deux tiers des localités n’abritent que 10 % de la population. Elle repose encore, politiquement, sur nos 36 000 communes dont les contours datent d’avant la Révolution,  alors que les intercommunalités qui ont en charge l’économie, les transports…, qui prennent des décisions fondamentales et qui lèvent de plus en plus d’impôts, ne sont pas désignées directement à l’échelle du territoire concerné! Ce fut l’erreur de Mitterrand, départementaliste conséquent, que d’avoir maintenu en l’état et d’avoir renforcer les communes et les départements, institutions dépassées, au détriment de villes et des régions. Le calcul politique n’était  pas absent:  plus facile, en effet, d’imposer son autorité à 36 000 « petits » maires qu’à dix métropoles puissantes!  

 

Il est donc grand temps de changer notre organisation politique. En commençant par retirer aux couches inutiles du mille-feuille administratif leur pouvoir de nuisance. En élargissant ensuite les espaces de gestion des intercommunalités : métropoles et grandes régions. En transférant enfin la totalité de la compétence urbanisme des communes à des intercommunalités souvent trop petites … Pour ce faire, un seul obstacle à contourner ou à briser : le Sénat, dont les membres sont élus à 95 % par les maires et leurs adjoints…Aujourd’hui tenu par la majorité présidentielle, sera-t-il capable d’aller à l’encontre de ses propres intérêts corporatistes ? Osera-t-on le faire plier ? Ce qui est sur, en tout cas, c’est que les mois qui viennent ne sont assurément pas  propices à un tel débat. Dommageable et couteuse inertie politique …

Mes amis (es ) et Tapie…

 

 

 

 

 

 

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J’ai une amie ( un ami aussi ) qui, chaque jour que font Hollande et les siens , affiche sur tous les médias sociaux offerts à son prosélytisme progressiste, les articles d’une indéfectible foi en la République et ses valeurs. Chaque jour ou presque, elle s’efforce de maintenir un cordon sanitaire républicain en mauvaise santé, pour protéger des français, forcément incultes et racistes, du parti de Marine et de la haine . Tous les matins, elle se persuade de son juste combat en faveur de la justice et de la liberté en écoutant pieusement les sermons tarifés  des éditorialistes de France Télévisions. Sur son bureau, à la pause café, c’est l’évangile selon Libération et le Monde réunis qu’elle offre à la respectueuse attention de ses administrés tout juste réveillés. Chaque semaine, elle programme ses sorties culturelles et ses enregistrements sur ARTE qui, par Télérama, lui sont impérativement conseillés. Chaque jour, depuis une semaine, ses radios, ses journaux et ses télés matraquent un Tapie  » emprisonné  » qui, bien entendu (! ) ne pouvait s’exprimer. Eh bien ! ce matin, mon amie, qui pourtant chaque jour se regarde complaisamment  dans ces miroirs pour s’y trouver plus belle que jamais dans sa défense des libertés, s’étrangle  d’indignation. Tapie, au 20 heures aurait humilié un Pujadas ! un spectacle pervers et indécent. La preuve ? me dit-elle: c’est le Nouvel Obs qui l’écrit… ( !!! ). Une bonne nouvelle tout de même. En visite en Bretagne, hier , Hollande n’y a pas amené la pluie… Un miracle !

Une phrase de Georges Frêche !

 

 

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Cette scène: un début d’après midi, à la terrasse d’un café à deux pas de la préfecture de Montpellier. C’était en 1985, au début de l’automne, il faisait beau.  Georges Frêche, le jeune maire de Montpellier, alors, dominait de son physique, de son verbe et de sa gloire le petit groupe que nous formions avec deux ou trois de mes collaborateurs. Je venais de prendre mes fonctions, depuis deux mois à peine, à ce qui n’était pas encore le Conseil Régional et dont Georges, c’est ainsi que nous l’interpellions, avec le tutoiement d’usage, était le puissant Vice-Président. Cette scène, et cette phrase surtout par lui jetée sur la table, sont toujours présents à ma mémoire. Elle fit bien rire Jacques, qui pigeait à l’époque aux  » Echos  » et me fut complaisamment présenté comme le meilleur des journalistes régionaux, cette triviale saillie. Hier, lisant André Blanchard , je l’ai retrouvée, et avec elle son véritable auteur, page 179 de son dernier carnet   » À la demande générale  » . La voici :  » Paris est comme une femme et comme les femmes elle ne se donne qu’au vainqueur « . Avec Montpellier dans la bouche de Georges, cette phrase, je la trouvais hier comme aujourd’hui consternante.  Elle est de Jünger et on peut la lire dans   » les journaux d’Occupation « . C’est de la virilité en chaleur, écrit Blanchard. Elle cadre bien avec le dada de ce guerrier: l’éloge de la force, ajoute-t-il. Que dire d’autre, sinon qu’elle dit beaucoup des hommes politiques, de leurs profondes motivations…

Exégèse d’un lieu commun: rien n’est absolu !

 

 

 

 

 

 

 

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Je l’avais promis à un de mes amis et ne peux résister au plaisir de vous livrer cet extrait de la géniale  » exégèse des lieux communs «  de Léon Bloy (gratuite pour les possesseurs d’une Kindle ) Qui d’autre que cet immense grognon peut mieux dire aujourd’hui l’imposture du relativisme généralisé dont se prévalent nos biens pensants ? Bloy est en effet notre contemporain !  Allez y voir, et remplacez sa tête de turc , qu’il nomme  » le  Bourgeois « ,  par celui qui, aujourd’hui, a repris le flambeau de la sottise moderne: le  » Bobo « , et vous verrez exploser sous vos yeux la croûte de platitude recouvrant son affligeante absence de pensée.  En attendant voici l’extrait promis: 

 » Évidemment, si on donne sa parole d’honneur que « rien n’est absolu », l’arithmétique, du même coup, devient exorable et l’incertitude plane sur les axiomes les plus incontestés de la géométrie rectiligne. Aussitôt, c’est une question de savoir s’il est meilleur d’égorger ou de ne pas égorger son père, de posséder vingt-cinq centimes ou soixante-quatorze millions, de recevoir des coups de pied dans le derrière ou de fonder une dynastie.Enfin, toutes les identités succombent. Il n’est pas « absolu » que cet horloger qui est né en 1859, pour l’orgueil de sa famille, n’ait aujourd’hui que quarante-trois ans et qu’il ne soit pas le grand-père de ce doyen de nos emballeurs qui fut enfanté pendant les Cent Jours, de même qu’il serait téméraire de soutenir qu’une punaise est exclusivement une punaise et ne doit pas prétendre aux panonceaux. En de telles circonstances, on en conviendra, le devoir de créer le monde s’impose. « 

 

Comme le recommande François Bon, dans sa préface à son excellente édition  numérique  «  Alors oui, souvent rouvrir ce monument unique en notre langue… satirique, agressif, grammairien, mais capable d’en faire surgir tout un monde. «