Le mur de ma ville.

   

Juste derrière chez moi, sur le mur d’un bâtiment qui héberge notamment le Conservatoire de Musique de Narbonne, ce poème de Pierre Reverdy; que je lis sans me lasser, à mon retour de longues promenades le long du canal de la Robine.

Il faisait un beau soleil, ce jour là!

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Comme le dit joliment Gil Jouanard dans son introduction à une petite anthologie établie par C.M.Cluny:  » Reverdy voit l’autre côté du monde dans ce côté-ci. Comme les anciens Gaulois… « 

Un coteau vert, que le couchant jaunit…

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Ciel gris! Pluie. Fine… Et ce souvenir de Charlène, ma petite fille déjà grande (mais pourquoi donc aujourd’hui précisément ?) A sept ans peut-être! et s’efforçant de me réciter ce poème:    

Il est un air pour qui je donnerais

Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,

Un air très vieux, languissant et funèbre,

Qui pour moi seul a des charmes secrets.

 

Or, chaque fois que je viens à l’entendre,

De deux cents ans mon âme rajeunit :

C’est sous Louis treize ; et je crois voir s’étendre

Un coteau vert, que le couchant jaunit,

 

Puis un château de brique à coins de pierre,

Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,

Ceint de grands parcs, avec une rivière

Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ;

 

Puis une dame, à sa haute fenêtre,

Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,

Que, dans une autre existence peut-être,

J’ai déjà vue… — et dont je me souviens !

 

 

 

 

Les cimetières sont sans imagination.

 

 

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Lundi 29 novembre 2012.

Un soleil et un ciel à n’y pas croire pour aller à la rencontre de ceux qu’on a aimés (mal, sans doute); comme chaque année.

Loin du bruit, aujourd’hui était jour de fête ; comme dans un livre les pierres parlaient et les cyprès chantaient

                                    .°.

Christian Bobin : Tout le monde est occupé (Mercure de France.1999)

« Les bonnes manières sont des manières tristes.Les vivants sont un peu durs d’oreille. Ils sont souvent remplis de bruit. Il n’y a que les morts et ceux qui vont naître qui peuvent absolument tout entendre. Pour les morts et pour Guillaume à venir, Ariane raconte de belles histoires, le soir, auprès du laurier rose.

Même quand vous ne serez plus, je garderai vos noms en moi et je continuerai à les entendre chanter. Tout le monde est occupé. Tout le monde, partout, tout le temps, est occupé, et par une seule chose à la fois. [..] Dans la cervelle la plus folle comme dans la plus sage, si on prend le temps de les déplier, on trouvera dans le fond, bien caché, comme un noyau irradiant tout le reste, un seul souci, un seul prénom, une seule pensée.

 

Je ne fais que chanter. J’écoute aussi la conversation du tilleul avec le vent. Le fou rire des feuilles dans la petite brise du soir est un bon remède contre la mélancolie.

 

Hier soir, j’avais le cafard. J’ai allumé une bougie. La lumière des lampes électriques ne danse pas assez pour chasser le cafard.

 

– Tu m’énerves. Je n’ai pas l’impression du tout d’être gâté
 – Justement. Quand on est gâté par la vie, on ne le sait pas. On finit même par penser qu’on le mérite, ou que c’est pour tout le monde comme ça.

 

C’est ainsi : les choses qui arrivent dans la vie basculent tôt ou tard dans les livres. Elles y trouvent leur mort et un dernier éclat.

 

Les cimetières de ce pays sont sans imagination, trop sérieux. Les morts sont paraît-il, de gros dormeurs. Allons les réveiller. Je prépare les oeufs durs, le vin blanc, le jambon et les gobelets en plastique.
 Manège découvre dans l’automne ses couleurs préférées : le rouge explosé des feuilles de vigne et le blanc dragée des pierres tombales. L’automne est la saison des tombes et des cartables. Les tombes sont les cartables des morts. On va au cimetière à pied, en sifflant et en bavardant. Aucune raison d’être triste. On va à la rencontre de quelqu’un qu’on a aimé et le soleil est de la partie. »

 


 

Les paroles sont de la lumière en chemin…

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Pour Jacques Raynal.

 

Hier, en fin d’après midi, marche au départ de chez moi pour prendre les quais de la Robine en direction de l’écluse de Raonel. Avant le début du chemin de halage, traversée d’une petite résidence. Sur une de ses façades, ce poème de Max Rouquette :

 

 « Les paroles étoilent la nuit des choses.

Elles se mirent dans l’étang
[des monstres abandonnés
au fond du puits éternel des ténèbres.

Les paroles sont de la lumière en chemin
qui ne savent pas si quelqu’un les attend.

La nuit infinie »

 

Et puis ce soir, devant mon clavier à écrire ces quelques mots, ceci encore, sur mon écran, obtenu d’un simple clic :

  

 « Tant m’ont lassé les paroles de vent
le babil de corneilles sur le toit
du monde avec son bruit de ferraille
que parfois j’ai envie de ne dire
mes paroles qu’aux combes désertes,
aux paliures, à la fougère, à la bruyère,
à la roche, en son poids,
[songeuse de mille ans
qui du silence sait la force et l’épaisseur.
Certain que si elles ne m’écoutent pas
quelqu’un fait d’elles ses oreilles. »