Moments de vie : d’autres mondes…

Me 2. 10.2024

Assis à la terrasse de la boulangerie-pâtisserie sise entre la place de l’Hôtel de Ville et la promenade des Barques, hier après-midi, devant un café crème et un pain au lait, j’ai constaté que, l’automne venue, les retraités, en groupes serrés venus des villes voisines et d’autres, en couples souvent, parlant l’espagnol ou l’anglais, étaient beaucoup plus nombreux que les années précédentes. À bien les observer, ce qui saute aux yeux est la faible part des hommes dans cette foule de migrants temporaires. En général moins alertes et loquaces que leurs femmes ou compagnes de voyage. Certains portent des casquettes américaines ou des chapeaux de brousse, des chemisettes à carreaux, des pantalons multipoches, des tennis ou des chaussures de randonnée. Sur leur poitrine, ils montrent aussi de lourds appareils photos et sur leur dos des sacs de camping à moitié vides. Le style Indiana Jones. Sur ma gauche, quatre jeunes gens autour d’un seul café parlaient haut une langue inconnue. Je n’ai pas osé les aborder. J’ai parié pour des Afghans. Ils tissaient leur conversation dans une culture, un imaginaire, tout un monde d’affects et de représentations symboliques auquel je n’avais pas accès. J’errais dans mes pensées quand est passé devant moi un commerçant que je vois tous les jours ou presque. Jeune pourtant, il m’a paru brusquement empâté et vieilli. Dans ce moment-là où je me levai pour déposer mon plateau à l’intérieur de l’établissement, un individu s’est approché à grands pas dégingandés. Long et maigre, il faisait des moulinets avec ses longs bras secs ; se dandinait, l’allure inquiétante. Il planait aux sons d’oreillettes blanches. Ailleurs… Mais où ? J’ai finalement quitté cette terrasse, remonté les Barques et poursuivi mon chemin le long de la Robine jusqu’au Théâtre. J’y ai pris sur un présentoir le programme cinéma du mois d’octobre et l’ai feuilleté. Peut-être irai-je voir le dernier film d’Ozon « Quand vient l’automne », la semaine prochaine. Son désir premier avant tout, nous dit-il « était de filmer des actrices d’un certain âge. De montrer la beauté des rides sur leur visage… » Un cliché d’époque ! Banal et affligeant ! Quant au reste de la programmation : « Ma vie ma gueule », « Ni chaînes ni maîtres », « Dans la vie je me suis perdu »… Déprimant ! L’air du temps vu par une certaine élite au pouvoir dans l’industrie des médias. J’ai continué ma route en passant par le jardin de la Révolution. Là, une jeune femme dans le genre nomade, la quarantaine, jolie, m’a gentiment interpellé : « Monsieur – Oui – Vous êtes smart – Ah ! – Oui – Merci… ». Je suis toujours surpris par ces paroles bienveillantes prononcées sans filtres. Si rares. Arrivé dans mon bureau, j’ai ouvert Qobuz, mis mon casque et me suis confortablement allongé sur le divan pour écouter les variations Golberg interprétées par Grigory Sokolov. Tant de finesse, de douceur et de force. Un brin de touche lyrique dans un style très dépouillé. Un autre monde…

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Commentaires (1)

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    phthoreux

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    Le réconfort des Goldberg ! Comme je vous comprends. Comment se passer de ce trésor absolu du génie humain. Toujours j’y reviens. Avec une trentaine de versions différentes, c’est devenu obsessionnel. Clavecin, piano, trio à cordes, guitare, accordéon, jazz avec Loussier. Dernière en date celle du pianiste islandais Vikingur Olafsson : subtile, intense et virtuose.
    Bien à vous.

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