De lui, je ne connaissais que son œuvre d’artiste peintre.
Ve 11.10.2024
De lui, je ne connaissais que son œuvre d’artiste peintre jusqu’au jour où, lors d’une conversation engagée de mon fait à la terrasse d’un café, il me raconta un peu de sa vie. Ce jour-là, c’était un après-midi ensoleillé de septembre, il fut particulièrement loquace et très amusant. Très expansif même. Comme peuvent l’être souvent ces personnes âgées pressées par le temps et la mort. Les jours suivants, je savais pouvoir le retrouver au même endroit. J’espérais surtout pouvoir continuer notre conversation et l’interroger plus précisément sur son art et son évolution au cours des ans. Il n’en fut rien. Pas le moindre petit signe de courtoisie, de reconnaissance ou d’invite ne m’était adressé. Il m’ignorait. Superbement. J’étais redevenu un étranger. Le plus révélateur de son « âme », cependant, n’advint pas plus tard qu’hier. « Je n’ai pas aimé », disait-il sur un ton bas et méprisant, la tête baissée, à un jeune garçon qui attendait de lui, comme de nous, quelques pièces de monnaie. Il venait de chanter, certes mal, accompagné à la guitare, et tout aussi mal d’ailleurs, par une jeune et jolie fille. Mais cela n’avait pas d’importance. Cette ridicule caricature de concert n’était évidemment que le pauvre manteau de leur dignité. Ce « Je n’ai pas aimé », je l’ai alors immédiatement perçu comme un insupportable affront. Et les yeux bleus de ce jeune homme qui le reçut brillent toujours dans les miens d’une douce et froide colère. Celle d’avoir été humilié devant moi qui l‘avait été aussi par ricochet, si je puis dire.
Il suffit d’un mot, d’un geste, d’une attitude pour que l’image d’un homme en soit à jamais altérée, songeai-je. Son image et son œuvre.
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