Le bijou d’Olympia vu un soir d’été sur la promenade des Barques…
Lu.7.8.2023
20 heures ! C’est l’heure où le soleil est au plus près des toits de la rue du Pont des Marchands. Alors les ombres des platanes s’allongent sur la promenade des Barques.
C’est aussi l’heure où le vent violent et sec qui aiguise les nerfs et plombe les corps faiblit. L’air devient enfin respirable. Et tout change. Les murs, les arbres semblent plus légers, la vie plus douce. Les gens sortent de leurs abris, ouvrent leurs volets et se pressent vers les terrasses des bistrots, se disputent les bancs publics. Des éclats de voix, des rires se font entendre. Les corps et les esprits s’agitent, bouillonnent de plaisir. Comme ces trois jeunes filles devant moi, assises autour d’une table voisine. Elles sont gaies, insouciantes. Celle qui me fait face est la plus vive. Son visage nu et ses yeux ont la couleur de ses cheveux : un châtain doré par le soleil. Elle est vêtue d’une courte robe fuchsia et porte sur ses épaules une fine veste blanche d’égale longueur. L’ensemble met en valeur son bronzage léger, naturel. Ce qui se remarque surtout sont ses nombreux « bijoux ». De pacotille sans doute, qui cependant n’altèrent pas sa beauté un brin sauvage. Ils la magnifient plutôt. Elle montre ainsi des bagues à chaque doigt, des bracelets, des fins et des gros, dorés et argents, aux deux poignets. Une longue chaîne plonge sur sa poitrine. Et autour de son cou, un fin ruban d’étoffe retient un pendentif : un cœur. Un bijou inhabituel chez une jeune femme de son âge. Sait-elle, qu’il était autrefois réservé « aux dames canoniques et aux jeunes Duchesses indisponibles », qu’il indiquait aussi un désenchantement pour les jeux de l’amour, songeai-je. Comme sur l’admirable Olympia de Manet. Nue, il l’habille cependant et fait signe à sa main droite…
Puis le temps a passé. Quand elle est partie en compagnie de ses amies, c’était l’heure où l’ombre recouvrait toute la ville. Juste avant la nuit. Une heure tiède propice aux rêveries.
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