Médias, pourquoi tant de haine et de défiance !

 

 

 

Eugénie Bastié, comme de nombreux autres journalistes, s’interroge dans le Figaro du jour : « Médias, pourquoi tant de haine ? ». Une haine allant jusqu’à l’agression physique dans les manifestations de Gilets Jaunes et par un déferlement d’insultes sur les réseaux sociaux. Ce que confirme à sa manière plus « civilisée », le niveau de défiance relevé par le baromètre du Cevipof. 23 % des personnes interrogées seulement ont confiance dans les médias, juste avant les partis politiques (9 %). Un décrochage qui dure depuis au moins une décennie (moyenne de 25 % entre 2009 et 2019).

 

Capture 019-01-12 à 14.45.05.png

 

Ce rapport des français aux médias et à l’information n’est évidemment pas sans rapport avec les dérives  d’une information continue fondée sur la puissance de l’image, la recherche de l’émotion (et du buzz par la petite phrase choc), la violence des débats ; dérives auxquelles n’échappe pas ce qu’on appelle encore « la grande presse ». Comme l’ensemble des médias, elle est soumise à la pression et aux « codes » des réseaux sociaux et des chaînes en continu : réactions en temps réel, primat de l’émotion pour capter l’attention et les « clics » etc. (« clics » dont dépendent les mesures d’audience et les revenus publicitaires). Et le phénomène est d’ampleur, au point qu’il lui arrive souvent de mettre en circulation de « vraies-fausses informations », le grégarisme et le conformisme de la profession l’amenant à reprendre la première mise sur le marché et à la faire « tourner en boucle ».

Un exemple parmi des centaines d’autres. Avant hier, Emmanuel Macron, devant un parterre d’artisans boulangers et de jeunes apprentis a prononcé, notamment, ces mots :

 

« La cohésion nationale, elle ne se ramènera pas en un jour, il faut beaucoup de détermination, d’humilité et de patience. C’est aussi un travail pour lequel chacun à sa part, je pense que cela est un moment essentiel pour la vie du pays»… «Il est important que chaque citoyen apporte sa pierre à l’édifice par son travail et par son engagement au travail. Notre pays ne pourra jamais retrouver pleinement sa force et sa cohésion sans cela… « Les troubles que notre société traverse sont aussi parfois dus, liés, au fait que beaucoup trop de nos concitoyens pensent qu’on peut obtenir sans que cet effort soit apporté. Parfois on a trop souvent oublié qu’à côté des droits de chacun dans la République – et notre République n’a rien à envier à beaucoup d’autres – il y a des devoirs», constate-t-il . «Et s’il n’y a pas ce sens de l’effort, le fait que chaque citoyen apporte sa pierre à l’édifice par son engagement au travail, notre pays ne pourra jamais pleinement recouvrer sa force, sa cohésion, ce qui fait son histoire, son présent et son avenir.»

Rien de scandaleux dans ces phrases ! Et pourtant, qu’ont retenu de cette intervention, le Figaro de madame Bastié, les autres médias (grands et petits)  ainsi que leurs commentateurs ? Ceci :

 

Capture  2019-01-12 à 11.01.17.png

 

Le Monde fait même mieux en illustrant ce montage d’une photo de Gilets Jaunes :

Petite phrase composée de petits bouts collés les uns aux autres, qui frise la fausse information et instille ainsi dans les mémoires « l’idée » que le Président de la République prend  les français pour d’indécrottables fainéants. De sorte que l’on est en droit de se poser la question, comme le fait J.F Khan, de l’irresponsabilité médiatique : « Pourquoi, à l’occasion de cette crise, qui nous interpelle tous, chacun, grands médias compris, ne mettrait pas ses erreurs sur la table ? ». Notamment la surmédiatisation de ce mouvement ;  surmédiatisation à laquelle s’ajoute le souci des élites politiques, mais aussi intellectuelles – pas toutes cependant, loin de là –, de ne pas désobliger les protestataires en leur opposant… une analyse rationnelle de la situation. 

 

Une telle dérobade est coupable pour au moins deux raisons. Premièrement, elle consiste à faire passer sa bonne conscience devant la vérité – donc le souci de soi avant celui du bien commun. Deuxièmement, elle est l’expression d’un vrai mépris de classe : « pas la peine d’expliquer, ils ne comprendront pas ! (l’analyse de Challenges ici).

 

Ce qu’il convient de constater enfin est que cette défiance n’est pas celle d’une seule catégorie de français. Les uns, nombreux chez les « GJ », font valoir que leurs problèmes, « leur vraie vie », ne sont jamais sérieusement traités par les médias, qu’il n’y en aurait que pour les questions sociétales (mariage pour tous, PMA, minorités etc.) – ce qui, globalement est incontestable – ; les autres, que les  informations délivrées par les  médias sont biaisées par un manque de rigueur dans la présentation et l’analyse des faits (pourtant le cœur de métier du journaliste). 

 

Mots-clefs : , ,

Rétrolien depuis votre site.

Commentaires (11)

  • Avatar

    Michel Dumas

    |

    Pour cette affaire des gilets jaunes, les médias ne sont aujourd’hui que des portes voix.
    Leur code déontologique est au placard.
    Ils n’analysent pas les faits, ils les mettent en scène.
    Ils finiront par donner raison à Mélenchon en ne zoomant QUE sur les évènements porteurs d’images fortes au service de l’audimat.
    A quand les autodafés de ce qui n’est pas gilet jaune médiatiquement mis en scène.
    Les médias alimentent les réseaux asociaux et inversement.
    A la décharge des médias l’analyse donne du corps à un débat qui n’a plus d’utilité de mon point de vue.
    Maintenant où la réponse politique arrive vite, ou la puissance publique, arrête ce cirque.
    Des citoyens souffrent effectivement, mais ceux qui souffrent le plus ne sont pas dans la rue.

    Reply

    • Avatar

      PICHON'

      |

      Bonjour
      Si ceux qui souffrent ne sont pas aujourd’hui dans la rue alors deux questions :
      Ou sont-ils ?
      Qui sont ceux qui sans être casseur sont sur les ronds points et dans laeq manifs?

      Reply

      • Avatar

        rangoni

        |

        Vous écrivez pour vous… vous pensez représenter ceux qui souffrent ? Ceux qui sont sur les ronds points s investissent dans une démarche depuis le 17 novembre qui a eu une écoute et des propositions.il faudrait savoir ce su ils veulent.

        Reply

  • Avatar

    PICHON'

    |

    Bonjour
    Et qu’auriez vous voulu que les médias reprennent?
    Est ce de leur faute si des que le Président parle il ne sache pas se passer de la petite punchline qui va bien pour susciter la polémique .
    Enlevez cette petite phrase du texte qui devait ou aurait dû n’appeler qu’à la cohésion , et vous avez un texte langue de bois , ou digne d’un discours de Miss qui veut la paix dans le monde!
    Et ne me dites pas que ce n’est pas voulu , sinon á quoi servent l’armée de conseillers et autres communicants autour du Président ?
    Et puis n’est ce pas le retour de bâton à celui qui se voulait Maître des horloges et n’ayant pas besoin de la presse pour communiquer avec le peuple.

    Reply

    • Avatar

      Michel Santo

      |

      Je prends acte que vous considérez que les médias, par ces pratiques, qu’elles visent Macron, Mélenchon ou n’importe quel autre personnage public, sont normales, salutaires et qu’elles contribuent à former l’opinion… Soit !

      Reply

      • Avatar

        Pichon

        |

        Manquait le ? à ma dernière phrase,

        Et moi je prends acte de ce que vous ne retrouvez pas à redire sur ma vision des choses.

        Reply

        • Avatar

          Michel Santo

          |

          Mais enfin ma réponse est dans mon analyse ! Je ne vais pas me répéter ?

          Reply

  • Avatar

    jean marc

    |

    Michel, la phrase incriminée par les médias sur « l’effort » n’est à mon avis pas celle que tu cites mais la suivante: « …Beaucoup trop de nos concitoyens pensent qu’on peut obtenir sans que cet effort soit apporté. »

    Reply

    • Avatar

      Michel Santo

      |

      Eh bien non ! La phrase exacte est celle que je cite dans l’ensemble du texte qui lui donne son sens.…

      Reply

  • Avatar

    jean marc

    |

    Michel pour la seconde fois je remets la vidéo ou le Président Macron dit bien: »…Beaucoup trop de nos concitoyens pensent qu’on peut obtenir sans que cet effort soit apporté. » car la phrase que tu cite n’est pas celle qui a créée la polémique. Un petit problème technique la première fois peut-être ? https://actu.orange.fr/politique/video-les-francais-et-le-sens-de-l-effort-macron-parlait-des-apprentis-et-pas-des-gilets-jaunes-assure-mahjoubi-magic-CNT000001bUGD3.html

    Reply

    • Avatar

      Michel Santo

      |

      Ça ne change rien à ma démonstration ! Bien au contraire ! Le montage fait dans les exemples que je donne est encore plus parlant… Et j’ai rajouté la phrase complète…

      Reply

Laisser un commentaire

Articles récents