Moment de vie dans une petite et belle librairie de centre-ville.
Moment de vie dans une petite librairie.
Il était 11 h 30 quand je suis entré dans la petite librairie « Libellis », rue Droite. Une dame capuchonnée y tenait des propos vifs et hachés à la jeune femme qui enregistrait les six ou sept livres de poche de Robert Ludlum posés sur son « plateau de service ». De cette dame capuchonnée, je ne pouvais voir le visage. Et tout dans son apparence était vague et confus. Seule sa voix m’indiquait, peut-être à tort, son supposé genre. Pour tout le reste, un vêtement de pluie informe d’une couleur indéfinie la couvrait des épaules jusqu’aux genoux, veste que prolongeait jusqu’à des chaussures scratchs ouvertes sur des pieds nus, un pantalon de randonnée évasif, mollasson. Dans sa main gauche, un grand sac de course en plastique noir, disons plutôt noirâtre, bougeait au diapason de sa voix forte, saccadée, électrique. La jeune libraire, qu’elle tutoyait, restait cependant impassible sous l’avalanche des propos absurdes qui lui tombaient dessus. Elle lui disait « que la France, non ! le Français est psychologiquement malade… qu’elle ne sait pas où aller… que c’est partout pareil de toute façon… qu’on ne comprend plus rien… Y’a que les livres… et encore… que Robert Ludlum a tout dit, vu et prédit… qu’elle l’a d’ailleurs conseillé à son banquier… ». J’ai fini par perdre patience et l’ai exprimé par quelques soupirs suffisamment appuyés pour me faire entendre. « On s’impatiente derrière moi ? » Ce que j’ai immédiatement confirmé. Tout haut. Mais pour rien. Car d’autres commentaires ont encore fusé sur notamment le génie de Robert Ludlum. Qui m’exaspéraient. Jusqu’à ce qu’elle se décide à régler ses achats, pour s’avancer ensuite vers la sortie, marquer un temps d’arrêt sur le pas de la porte et en profiter pour me regarder gaillardement droit dans les yeux. Ses traits durs et l’extrême pâleur de son visage révélèrent alors un puissant sentiment de colère. À cet instant, j’étais pour elle l’incarnation de la France et du Français psychologiquement malade. Ignorant de surcroît les Lumières de Robert Ludlum. Et les siennes… Le temps d’une petite respiration, j’ai pu enfin commander le livre de Fleur Jaeggy : « Je suis le frère de XX. » Comme souvent, c’est deux, trois phrases lues au hasard d’un texte de critique littéraire que l’envie soudain me prend d’en connaître un peu plus sur l’auteur cité. Ce matin, sur le coup de 9 heures, j’étais tombé sur celles-ci, sur la page Facebook de Jean-Louis Kuffer :
« Il neigeait. On aurait dit depuis des années. Dans un village désolé du Brandebourg, un enfant crie avec un mégaphone un sermon de Noël ». Il n’en fallait pas plus pour que je me précipite vers la petite librairie « Libellis » de la rue Droite. À deux pas de chez moi. Il était 11 h 30 quand j’y suis entré…
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GG De La Cueva
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Bonjour Monsieur Santo,
Vous dîtes « capuchonnée » ?
En parcourant votre récit moi, je dirais plutôt… « enturbannée » !
À part ça, bonne lecture de Fleur Jaeguy !
Recuerdos de Cox
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Renée BRUNEL
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Bonjour Michel, Toujours super ces moments croqués de la vraie vie et les coups de gueules qu’ils suscitent…Je reste passionnée par vos chroniques… Très belle fin d’année (bien usée) à Vous et votre famille. Je vous souhaite le meilleur pour la suivante. Renée Brunel
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Michel Santo
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Bonsoir René ! Merci pour votre fidélité et vos bons vœux pour l’année qui vient. Et bonne fin d’année pour ce soir. Bien amicalement ! Michel
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